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qui font l’ascension du Ventoux et les troupeaux qui s’aventurent jusqu’à ces hauteurs.

Avant de passer à l’étude de la végétation du Mont-Ventoux, nous devons nous former une idée des différens climats qui s’échelonnent sur ses flancs. Pour avoir des notions parfaitement exactes, il faudrait que des stations météorologiques eussent été établies à différentes hauteurs. Ces stations n’existent pas et n’existeront probablement jamais ; de pareilles entreprises sont au-dessus des ressources d’un particulier, et celles des états ont eu de tout temps un emploi bien différent. Néanmoins de nombreuses ascensions ont été faites sur le Ventoux, en hiver et en automne par M. Guérin, d’Avignon, en été par M. Requien, M. Delcros et moi-même. Les températures ont toujours été notées avec soin. Sur d’autres sommets, le grand Saint-Bernard, le Faulhorn et le Righi dans les Alpes, le pic du Midi de Bigorre dans les Pyrénées, des ascensions répétées et même des séjours prolongés ont permis de déterminer approximativement le climat des montagnes à différentes altitudes. On sait maintenant de combien de mètres il faut s’élever dans les différentes saisons pour que la température de l’air s’abaisse d’un degré ; c’est ce qu’on appelle le décroissement de la température avec la hauteur. Le Saint-Bernard, où les religieux font depuis trente ans des observations météorologiques pendant toute l’année, le Righi, où M. Eschmann a passé le mois de janvier 1827, ont fourni des notions sur le décroissement hibernal. L’hôtel bâti par les soins du docteur Costallat près du cône terminal du pic du Midi, à 2,372 mètres au-dessus de la mer, permettra un jour de faire les mêmes études dans les Pyrénées. Dès aujourd’hui toutefois, en combinant les résultats des ascensions sur le Ventoux avec les lois connues du décroissement de la température, on, peut se former une idée du climat du sommet du Ventoux, à 1,911 mètres d’altitude, et des bergeries du Mont-Serein, situées à 1,450 mètres sur le versant nord. La température annuelle moyenne de la plaine au pied du Ventoux est de 13 degrés environ. La moyenne annuelle de la température au sommet du Ventoux ne dépasserait pas 2 degrés. C’est, comme on le voit, une moyenne fort basse. En latitude, il faut s’approcher du cercle polaire pour trouver la même moyenne ; c’est celle des villes d’Umeo[1] et d’Hernoesand[2] en Suède. Pétersbourg[3], situé plus au sud, mais aussi plus à l’est, ce qui abaisse la température, présente une moyenne comprise entre 3 ou 4 degrés, suivant le lieu où se font, les observations météorologiques. Nous avons donc en France une montagne isolée qui s’élève brusquement d’une plaine dont la température

  1. Latitude 63° 50’.
  2. Latitude 62° 38’.
  3. Latitude 59° 50’.