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moyenne est celle des villes de Sienne, Brescia ou Venise, et dont le sommet offre le climat de la Suède septentrionale, limitrophe de la Laponie. Ainsi monter au Ventoux, c’est climatologiquement comme si l’on se déplaçait de 19 degrés en latitude, savoir du 44e au 63e degré.

Le sommet du Ventoux étant couvert de neige pendant sept mois de l’année environ, les plantes dorment sous cette couche épaisse. Ce qui intéresse par conséquent les botanistes, ce sont les températures de l’été ; ce sont aussi les mieux connues, parce que les ascensions se font presque toujours dans cette saison. La température moyenne des trois mois d’été, juin, juillet et août, est de 8 degrés environ au sommet ; mais en juillet et août le thermomètre atteint souvent à l’ombre, vers le milieu du jour, 15 et même 17 degrés, comme je l’ai constaté moi-même. Aux bergeries du Mont-Serein, savoir à 1,450 mètres sur le versant nord, la moyenne de l’année est de 5 degrés et la température estivale de 12 degrés environ. Le thermomètre y atteint souvent de 18 à 20 degrés. À égale hauteur, sur le versant sud, on trouverait des moyennes plus élevées d’un degré environ. La somme de chaleur qui s’accumule dans les végétaux et dans le sol pendant les longues journées de l’été est beaucoup plus considérable sur ce versant, et se traduit par des différences dans les limites de la végétation que nous apprécierons plus loin.

On voit que tous les climats de l’Europe, depuis celui de la Provence et du nord de l’Italie jusqu’à celui de la Laponie, sont échelonnés sur les flancs du Ventoux ; à chacun de ces climats correspond nécessairement une flore différente, mais comparable à celle du climat analogue dans les plaines de l’Europe. On peut donc y étudier l’influence de l’altitude sur la végétation. Quoique très élevé, le sommet du Ventoux n’atteint pas la limite des neiges éternelles, qui sous cette latitude est à 2,850 mètres au-dessus de la mer ; mais il est assez élevé pour que les plantes appartenant à la région alpine puissent y vivre et s’y propager. On ne s’en étonnera pas quand on saura que la température annuelle moyenne du sommet est supérieure de trois degrés seulement à celle du Saint-Bernard, qui s’élève à 2,474 mètres au-dessus de la mer, c’est-à-dire à 563 mètres plus haut que le Ventoux et à deux degrés latitudinaux plus au nord. Ainsi donc la cime du Ventoux entre dans cette région alpine qui commence, dans la chaîne centrale, à 1,800 mètres d’altitude.

Pour les études de topographie botanique, le Ventoux présente des particularités remarquables qui, depuis longtemps, l’avaient signalé à l’attention des botanistes. D’abord son isolement. Quand une montagne fait partie d’un massif ou d’une chaîne, certains ver-sans sont abrités par les contre-forts voisins, d’autres ne le sont pas ; elle est dominée par les sommets qui la dépassent : de là des