Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

influences très diverses. La montagne sera à l’abri de tel vent, exposée à tel autre ; elle recevra la chaleur répercutée vers l’un de ses flancs par un escarpement voisin, tandis que l’autre rayonnera librement vers le ciel. Les conditions de chaleur, d’humidité, d’aération, varieront suivant les différens azimuts. Rien de semblable pour le Ventoux. Le versant méridional regarde la plaine, le versant septentrional les Alpes ; mais il en est fort éloigné, et entre la chaîne principale et lui on aperçoit un nombre infini de basses montagnes dont les plus rapprochées ne s’élèvent pas au-dessus de mille mètres. À partir de cette hauteur, le versant nord est aussi découvert que le versant sud. Le Ventoux a encore un autre avantage pour les. études que nous projetons. La plupart des montagnes sont pyramidales ou coniques, et présentent par conséquent plusieurs versans. Le Ventoux n’en a que deux. On peut le comparer à une crête, ou si l’on veut au faîte d’un toit à double pente. L’une de ses pentes est tournée vers le midi, ou plus exactement vers le sud-sud-ouest : c’est celle qui regarde la plaine ; l’autre fait face au nord, ou plutôt au nord-nord-est. On peut donc sur cette montagne, mieux que sur aucune autre en France, apprécier en quoi l’action prolongée du soleil adoucit le climat et modifie la flore d’une localité. Le contraste est plus réel pour le Ventoux que pour des montagnes situées plus au nord ou plus, au midi. Le Ventoux est situé en effet par le 44e degré 10’ de latitude, c’est-à-dire non loin du 45e, qui est à distance égale du pôle et de l’équateur. Or c’est sur le cercle correspondant au 45e degré que la différence entre l’exposition sud et l’exposition nord est le plus marquée. Je vais essayer de le démontrer. On sait que plus l’on s’avance vers le pôle, plus le soleil en été se lève et se couche au nord de l’observateur, et par conséquent plus les jours deviennent longs. À partir du cercle polaire, le nombre des jours sans nuit augmente jusqu’au pôle, c’est-à-dire que le nombre des jours où le soleil ne se couche pas s’accroît progressivement. Imaginez une montagne dans ces contrées. Pendant l’été, quand le soleil se couche, le versant nord est éclairé presque autant que le versant sud, et quand il ne se couche pas, l’astre semble tourner autour de la montagne, dont le côté sud est éclairé pendant douze heures, et le côté nord pendant le même espace de temps. Dans ces latitudes, la différence de deux versans opposés est donc presque nulle sous le point de vue du réchauffement et de l’illumination solaires. Il en est de même quand on descend du 45e degré de latitude vers l’équateur. En effet, plus on est près de la ligne équinoxiale, plus le soleil s’élève au-dessus de l’horizon et se rapproche du zénith ; or on comprend que dans cette dernière position il éclaire également le versant nord et le versant sud d’une montagne, et plus il est voisin de la verticale, plus le contraste