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contre cette arme puissante de l’égalité représentative ? On ne me les montre nulle part et une telle lacune est peu rassurante dans un ouvrage écrit avec l’accent de la conviction et de la confiance, où l’on semble avoir eu pour but unique d’établir qu’en tout temps on a cru à la nécessité comme à la légitimité du 18 brumaire, qu’en tout temps on a regardé Napoléon comme le seul roi du peuple, que nulle politique n’a été plus modérée que la sienne, et que le port où la révolution française doit s’abriter après tant d’orages a pour phare l’exemple lumineux du conciliateur guerrier qui l’a livrée deux fois sanglante et désarmée à la coalition victorieuse. Nous donnons acte à M. Petetin de sa prévoyance comme de sa franchise. Longtemps avant 1852, avant 1848, il a pensé que le nom de Napoléon devait être, pour emprunter une expression de son héros, l’étoile polaire de la France ; mais nous qui, en 1840, l’avons appelé un héros populaire, il nous sera bien permis de dire à la démocratie que, si elle prenait pour type de son gouvernement le premier empire, elle abdiquerait. Ne contestons rien, accordons tout, la gloire, le génie, la fortune ; il faudra bien nous concéder en retour que sous l’empire il n’y avait en France qu’une volonté. Est-ce là le règne de la démocratie ? S’il en était ainsi, la démocratie serait destinée à donner à l’aristocratie une revanche assez piquante de sa trop juste défaite. L’histoire a reproché, non sans fondement, à l’aristocratie française de n’avoir jamais, du temps qu’elle semblait puissante exercé ni même ambitionné le pouvoir politique, et, satisfaite de titres vains et d’apparences pompeuses, de ne s’être jamais montrée jalouse ni capable de se saisir du gouvernement au nom de l’intérêt public. La démocratie serait-elle donc destinée à donner le même exemple ? Contente d’être nominalement honorée, officiellement proclamée, devrait-elle faire peu de cas du pouvoir réel, s’en abstenir comme d’une fatigue, et décorer, représentation oisive, l’absolutisme d’un Louis XIV à venir qui commanderait, voudrait, penserait pour elle ? Alors, de quelque nom qu’elle se pare, la France, aristocratique ou démocratique, ne serait propre qu’à servir et à parer la servitude. Noblesse ou peuple, elle serait à tout jamais incapable de la liberté politique. Est-ce là ce qu’elle pensait d’elle-même en 1789 ?

Un autre écrivain qui se range aussi sous le drapeau de la démocratie, M. Guéroult, a également recueilli quelques-uns des articles insérés par lui dans divers journaux, et surtout dans celui dont il est le rédacteur en chef. Ses Etudes de Politique et de Philosophie religieuse nous le montrent tel que nous le connaissons, toujours "prêt à généraliser les questions, habile à les traiter avec ordre, avec netteté, avec vivacité, aimant la controverse, mais la voulant sincère et concluante, dédaigneux de tout artifice qui voilerait sa pensée