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l’inspecteur du gouvernement, M. le colonel Yolland, d’avoir exigé de minutieuses précautions contre les moindres chances de collision. D’après ses ordres, on ajouta des indicateurs électriques aux signaux de distance. La construction de la ligne fut d’ailleurs jugée excellente. Un des avantages de ce système est l’économie : on estime que toutes les dépenses ne s’élèvent point au-delà de 1,300,000 liv. sterling. Un viaduc parcourant la même distance et frayant un passage en plein air à travers les propriétés et les maisons aurait coûté quatre fois autant. Une autre circonstance qui me réjouissait plus encore, c’est qu’au milieu de ces dangereux travaux il n’y avait point eu à déplorer la perte d’un seul homme. Enfin, tous les obstacles étant surmontés, ce chemin, sur lequel les wagons devaient courir le 1er mai 1862, s’ouvrit au public le 9 janvier 1863.


III

Farringdon-street station, qu’on peut considérer comme la tête du Metropolitan railway, s’élève sur une route percée à travers un ancien labyrinthe de ruelles et de maisons. L’état des lieux, quoique évidemment provisoire, n’a pas changé depuis une dizaine d’années ; la place qu’occupaient les maisons démolies est restée vide ; des terrains vagues entourés de planches ou de grossières balustrades, nus ou recouverts d’un chétif gazon, dominés par de vieux bâtimens, des murs lézardés, des débris de constructions qui avancent ou reculent au hasard, présentent tout à fait l’image d’un quartier dévasté. Le voisinage du nouveau chemin de fer contribuera, il faut l’espérer, à transformer l’aspect monotone et consterné de cette voie sans habitans. La station elle-même, comme pour se conformer au caractère général des lieux, est construite en bois ; on y descend par un double escalier, et l’on se trouve alors sur une plate-forme qui n’offre encore rien de remarquable. Là se rencontrent des trains tout prêts à partir de quart d’heure en quart d’heure. Les wagons, carriages, ressemblent, pour la forme, à tous les autres wagons, avec cette différence qu’ils sont plus larges, plus commodes, et dans l’intérieur libéralement éclairés au gaz. Un jour de noir brouillard, un Anglais, qui entrait dans l’une des voitures au moment où je m’y trouvais moi-même, me dit, frappé par l’éclat de cette lumière artificielle : « Je crois décidément qu’à Londres il faut descendre sous terre pour y voir clair. » Cependant la locomotive s’ébranle : elle (she), tel est le nom que donnent familièrement les mécaniciens et les chauffeurs anglais à cette puissante machine ; n’est-ce point ainsi que les poètes désignent la bien-aimée ? On voyage pendant quelques secondes à ciel ouvert, car il a fallu, faire