Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au nom du principe : ils n’en cèdent pas moins, et consentent à signer le contrat qui les oblige à ménager leur ancien bétail noir.

On le voit, les cent mille travailleurs des plantations de la Basse-Louisiane ne sont plus esclaves : leur affranchissement a commencé. C’est à la Nouvelle-Orléans, là même où les esclavagistes avaient choisi leur point de départ pour aller porter leurs institutions fatales à Cuba, au Mexique, dans les républiques de l’isthme, que par une juste vicissitude l’œuvre d’émancipation a pris son origine pour se propager graduellement jusqu’au centre des états confédérés, et, comme le disait le général Banks par sa première proclamation, « ce ne sont point les républicains qui ont inauguré cet irrésistible mouvement ; ce sont les planteurs eux-mêmes qui par leur rebellion ont accompli cette révolution, impossible à tous autres. Comparée à leur œuvre, celle des plus fougeux abolitionistes peut être considérée comme vraiment insignifiante. »


III.

Tandis que de tels changements s’opéraient dans les conditions des nègres de la Louisiane, la politique du gouvernement fédéral entrait dans une nouvelle phase. Les circonstances étaient graves. Les confédérés, qu’on avait eu le tort de croire à la dernière extrémité après les prises de Nashville, de Memphis, de Norfolk, de la Nouvelle-Orléans, avaient puisé dans le sentiment du danger une plus grande force de cohésion, et, sans pouvoir reconquérir d’une manière définitive aucune position importante, n’en faisaient pas moins subir une série d’échecs et de désastres aux volontaires de l’Union. Le temps n’était plus aux demi-mesures, et le président Lincoln se serait exposé gratuitement au ridicule, s’il avait réitéré ses touchans appels aux planteurs au moment même où ceux-ci faisaient reculer ses armées. Il fallait désormais parler un langage plus ferme et prendre des mesures radicales, commandées non-seulement par la justice éternelle, mais encore par le péril extrême de la république. Le président s’y résolu enfin. Le 22 septembre 1862, il annonça solennellement aux rebelles qu’il leur accordait encore cent jours de répit, mais qu’au 1er janvier de l’année suivante « toutes les personnes tenues en esclavage dans chacun des états insurgés contre l’Union seraient libres dorénavant et à toujours. » Cette proclamation n’était qu’une conséquence nécessaire du bill de confiscation voté depuis longtemps par le congrès ; mais, s’appliquant indistinctement aux millions d’esclaves qui se trouvent dans les états séparés, elle constituait un événement de la plus haute importance historique. Quoique prononcée dans la seule intention de maintenir