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à Rome, on ignore en quelle qualité. Au moyen de ces corruptions éhontées, la cour de Ravenne crut avoir paré à tout. Honorius d’ailleurs venait de conclure une alliance avec le tyran Constantin, possesseur actuel de la Gaule, de la Bretagne et de l’Espagne; il l’avait adopté pour frère et collègue en lui donnant l’investiture du manteau impérial, à la condition qu’une bonne armée de Transalpins, amenée par lui en Italie, tomberait à l’improviste sur les derrières d’Alaric, et terminerait, sans ennui pour l’empereur italien, les difficultés du siège de Rome : c’était le prix de sa reconnaissance.

Alaric, toujours bien informé, ne manqua pas de savoir ce qui s’était passé dans Ravenne, et l’issue bouffonne de l’ambassade, et la reconnaissance du tyran des Gaules, ainsi que les secours qu’il devait fournir, et l’attente d’autres secours demandés par Honorius à l’empereur d’Orient, et enfin l’arrivée prochaine de six mille hommes d’excellentes troupes appelées de la Dalmatie. Il comprit que l’intention des généraux romains était de l’enfermer dans son camp entre l’armée italienne mise en mouvement et celle qu’on attendait des Gaules, que par conséquent il n’avait pas un moment à perdre pour obtenir justice, au besoin par la force, de la non-exécution du traité de Rome. D’assez mauvaises nouvelles lui arrivaient d’ailleurs d’Ataülf, qui n’avait pu se procurer que fort peu de recrues chez les Barbares du Danube, et qui traversait en ce moment les Alpes, se dirigeant sur l’Italie. Alaric lui manda d’accélérer sa marche, afin de devancer la venue des troupes de Constantin; mais à la descente des montagnes, dans ces plaines de l’Isonzo, qui séparaient la Pannonie de la Vénétie, Ataülf donna contre un obstacle qu’il n’avait pas prévu. Une armée composée mi-partie des garnisons urbaines concentrées, mi-partie de troupes détachées de Ravenne, occupait les plaines de la Haute-Vénétie, sous le commandement d’Olympius lui-même, qui prit part à l’action et se battit assez bien à la tête d’un corps de trois cents cavaliers huns. Le lieutenant d’Alaric, surpris et défait, laissa onze cents hommes sur la place et réussit pourtant à gagner l’Étrurie. Olympius rentra dans Ravenne, gonflé de ce petit succès, qui releva tant soit peu son crédit.

Au moment où la guerre s’engageait ainsi au pied des Alpes, Honorius faisait partir pour Rome les cinq légions qu’il avait mandées de la Dalmatie, et qui venaient à peine de débarquer. Elles devaient servir d’escorte aux deux ambassadeurs qui retournaient auprès du sénat, et grossir la garnison de la ville éternelle. Le comte des domestiques, Valens, les conduisait, mission difficile, car elles avaient à parcourir une longue route infestée par les Goths. Ce général, brave, mais outrecuidant et léger, alla se jeter précisément dans une embuscade que lui tendait Alaric. Ses légions furent enfoncées, tout périt ou mit bas les armes; une centaine d’hommes seulement,