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bien la couleur de l’ouvrage. Après le chœur des fermiers, on remarque au premier acte la chanson où Pedro énumère les vertus de sa mule :

C’est elle qui chaque semaine
Me mène aux marchés d’alentour.

La mélodie, le rhythme et la couleur de cette chanson, qui circule dans tout l’ouvrage, ne sont pas d’une entière nouveauté. Je passe sous silence le trio qui vient après entre Pedro, Hernandez et Gilda, pour signaler seulement la conclusion à demi-voix de la romance de Gilda :

La réponse est formelle,
C’est un congé, c’est un refus.

L’air dans lequel le jeune Tebaldo, qui est revenu de l’armée, exprime les sentimens qu’il éprouve à la vue du village où il a aimé Gilda :

Hameau natal, terre chérie,


est une jolie phrase de romance dans le vieux genre. Le second mouvement de cette romance, l’allegro,

Vous qui causez mon trouble et mon ivresse,


relève un peu la monotonie de l’andante, que M. Warot, du reste, chante avec goût. Je ne puis louer ni le duo entre Tebaldo et Pedro, cette longue scène remplie de dialogues et de récits inconsistans qui ne sont pas encadrés dans une forme saillante d’accompagnement qui serve de guide et d’aliment à l’oreille, ni le finale très bruyant où s’accomplit l’acte de l’enlèvement de Gilda. C’est dans le second acte, selon moi, qu’on trouve ce qu’il y a de plus remarquable et de mieux réussi dans la nouvelle partition de M. Massé. Sans trop nous arrêter sur la scène où le jeune Grillo, garçon de ferme de Pedro, divague pendant la nuit en attendant son maître, je ne signalerai dans sa chanson que la petite phrase du refrain :

Moi, je ne veux, quand je sommeille,


qui est délicatement accompagnée. Quant à la cavatine dans laquelle Pedro cherche à rassurer le cœur de Gilda, qu’il vient d’enlever et qu’il tient dans sa demeure, — dans ce logis, heureux domaine, — c’est encore une de ces mélodies de vieille race française, dont l’accent sentimental, trop souvent employé par M. Massé, finit par produire l’ennui malgré le talent de M. Faure, qui chante ce morceau avec la solennité d’un professeur. Le duo qui suit entre Gilda et Pedro, scène piquante où Gilda, pour se tirer du piège qu’on lui a tendu, feint d’accepter joyeusement le sort que lui propose son ravisseur, est assez bien dans la phrase du début ; mais la conclusion à deux voix en est vulgaire et d’un style toujours trop ambitieux pour le caractère des personnages. Il se termine d’ailleurs par un point d’orgue insupportable, par une cadence banale que M. Massé a mise à tous les morceaux de sa partition ; ce lieu commun intolérable consiste en cette fastidieuse formule, que tous les chanteurs répètent à tour de rôle : — sol en bas, ré, ut, ou bien sol, mi, ré, ut ; autrement, sol, si, ut, et tout cela lancé à pleine voix pour exciter les transports de la triste phalange qui domine