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au parterre ! Le boléro que chante Gilda après le souper où elle cherche à enjôler son ravisseur Pedro :

Je suis la gitana,
La fille vagabonde,


est une mélodie assez franche, d’un rhythme bien accusé. J’ai surtout remarqué dans ce boléro, chanté par Mme Gueymard avec une emphase que le public admire beaucoup, une charmante modulation du mode majeur au mode mineur, qui est d’un effet délicieux. Il y a beaucoup de ces délicatesses d’harmonie dans la nouvelle partition de Itt. Massé. Il n’y a pas grand’chose à dire des couplets de Tebaldo, ni du duo qui résulte de la rencontre de Tebaldo et de Gilda ; mais le trio qui vient après entre les trois principaux personnages, Gilda, Tebaldo et Pedro, est la meilleure page de la partition. La situation est d’ailleurs intéressante, et le compositeur en a tiré un très bon parti. La scène commence par une très jolie phrase que chante Pedro :

Par son assurance
Elle a cru me tromper,


et dont l’accompagnement est d’une harmonie très recherchée ; l’ensemble des trois voix :

Carillon plein de charme,
Sonnez, cloche d’alarme !


est d’un bel effet, et tout le morceau mériterait les plus grands éloges, si les parties vives et bien venues étaient rattachées les unes aux autres par des récits moins décharnés. Ce défaut d’ampleur, ces langueurs de style qui se font sentir dans les morceaux un peu développés, ces tirades de paroles explicatives, ces dialogues interminables qui ne sont pas enchâssés dans une phrase saillante et lumineuse de l’orchestre, ce sont là les infirmités de la plupart des opéras du jour. Il y a donc dans la Mule de Pedroa trois ou quatre morceaux assez bien venus, une jolie ouverture, un beau trio très dramatique, une mélodie franche et colorée, la Gitana, de jolis détails, des harmonies délicates et un peu trop fouillées pour un ouvrage dramatique, des modulations furtives qui titillent l’oreille au lieu de l’éclairer, une grande monotonie dans les chants et dans les mélodies, qui semblent être un écho trop fidèle de la vieille romance française et contiennent beaucoup de formules surannées dont M. Massé a empêtré son style. L’exécution, qui n’a pas été mauvaise, a eu cependant le défaut qu’on peut reprocher à l’ouvrage, l’exagération, qui se trouve même dans le style de M. Dumanoir. Mme Gueymard a chanté les différens morceaux du rôle de Gilda en véritable princesse, et M. Faure dans le rôle de Pedro est aussi un chanteur habile, mais un peu trop important, ce me semble. Le rôle de Tebaldo a servi aux débuts de M. Warot, petit ténor qui vient de l’Opéra-Comique. M. Warot a du talent, du goût et du sentiment, et le nouveau public devant lequel il paraissait lui a fait un accueil favorable.

Puisque nous parlons de ténor, ce merle blanc devenu si rare aujourd’hui en Europe, il faut que le monde sache que l’Opéra vient d’en découvrir un, et qu’il l’a trouvé non pas au Conservatoire de Paris, d’où il ne