Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/795

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et consultant lui-même les astres, il n’en était pas moins l’ami de saint Augustin, qui avait composé pour sa conversion de savantes lettres sur le destin et sur la fausseté de l’astrologie : la présence de Lampadius dans ce ministère d’opposition au catholicisme fait voir combien était restée vaine la sollicitude du savant docteur. Quant à Tertullus, il ne cachait pas sa croyance. Il n’existait pas dans Rome de païen plus fanatique, plus, hardi, plus militant ; toujours prêt à outrer par défi ou par orgueil de dévot les pratiques superstitieuses auxquelles renonçaient la plupart des polythéistes même, très convaincus, il était pour le parti païen un danger tout aussi bien qu’un gage. Sa désignation surtout donna couleur au nouveau règne. Les fonctionnaires inférieurs furent choisis de la même façon que ces hauts personnages, et pour le même, but. Lorsque Attale eut ainsi constitué son gouvernement sous le contrôle des officiers goths, il partit de la curie pour aller passer la nuit au mont Palatin, dans ce palais des césars peuplé de si grandes images. Ce simulacre d’empereur, comme l’appelle un contemporain, reposa tranquille sous le toit qui avait abrité Auguste, Trajan et Marc-Aurèle.

Le sénat se réunissait le lendemain ; Attale y débita un long discours tout parsemé de ces fleurs de rhétorique ampoulée que l’éloquence latine empruntait alors aux sophistes grecs de l’Asie-Mineure et de la Syrie. Il parla du bonheur dont Rome allait jouir, de son antique grandeur qu’elle allait, recouvrer : l’empire d’Occident reconquerrait bientôt ses limites, mais ce n’était rien que la Bretagne réduite, les Barbares et les tyrans chassés de la Gaule et de l’Espagne ; il voulait ramener l’Orient sous les lois de l’Occident, et faire que Rome redevînt comme autrefois la seule tête de l’univers. Il dut s’étendre alors en paroles pompeuses sur Alaric et sur les Goths, sans lesquels cette entreprise de reconstituer le vieil empire romain ne pouvait avoir lieu, puisque Alaric en était l’âme et son peuple le bras. Au reste, le roi des Goths, devenu maître suprême des milices d’Occident sous l’empereur du sénat, ne tenait pas un autre langage, et il le tenait sincèrement. Tous étaient dans la même illusion d’alliance fraternelle et d’efforts communs dont Rome serait le but. Ces sentimens de coopération dévouée, à l’empire qu’Ataülf exprima plus tard sous le charme de son amour pour Placidie, Alaric, on n’en peut douter, les ressentait alors sous la séduction de la gloire. De ce thème de la grandeur nationale, qui ne touchait plus guère les Romains, Attale passa sans doute à un autre plus émouvant pour les générations contemporaines, celui de la liberté religieuse, ou, pour parler plus exactement, de la prééminence à rendre aux cultes actuellement proscrits sur le Catholicisme, qui les opprimait, et il fit entrevoir des projets qui remplirent les païens