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d’allégresse. « Celui-là ; se disaient-ils entre eux, rétablira les usages de nos pères, les fériés, les sacrifices ; les dieux vent revenir. »

Comme un gage donné aux polythéistes ; le nouvel empereur fit disparaître de ses médailles le labarum qui ornait depuis Constantin les monnaies impériales, et le remplaça par l’image de la Victoire, accompagnée de ces fières légendes : « Victoire des Romains ; rétablissement de la république, gloire de l’empire, Rome éternelle ; invincible. » En même temps qu’il caressait l’opinion païenne, le néophyte arien donnait à ses coreligionnaires l’espoir de voir l’église d’Arius dominer bientôt toutes les communions chrétiennes et accaparer les faveurs de l’état, comme au temps de Constance et de Valens. Tout ce monde mélangé, sans cohésion de doctrines, qui ne se tenait que par un seul lien, la haine du christianisme, se remuait et poussait des cris de triomphe ; la joie était grande surtout parmi les charlatans des superstitions en vogue, thaumaturges, devins, astrologues ou mathématiciens (ces mots étaient synonymes) ; leur tourbe, détestée des chrétiens plus encore que des vieux païens, rentra de toutes parts dans la ville : ce fut une vraie prise d’assaut. Eux et leurs adeptes proclamèrent comme l’ère de la félicité publique la révolution qui venait de s’accomplir, et ce mot est encore répété par les écrivains païens plus d’un siècle après. « Une seule famille, dit à ce sujet Zosime, celle des Anices, la plus riche des familles romaines, se tenait à l’écart et semblait voir sa disgrâce particulière dans le bonheur de tous. » Les Anices étaient chrétiens, et leur mécontentement se conçoit ; mais l’historien se trompe quand il signale cette illustre maison comme la seule qui murmurât contre l’établissement nouveau : d’autres maisons sénatoriales encore, quoique moins dessinées dans leur opposition, donnaient la main aux Anices et créaient au gouvernement d’Attale des embarras qui ne tardèrent pas à se manifester.

Attale, empereur à Rome, ne l’était pas en Italie son maître des milices se chargea de l’y faire reconnaître en commençant par l’Étrurie, que les Goths occupaient. Ce ne fut pas l’incident le moins bizarre de ce drame sans exemple dans l’histoire que de voir des officiers barbares ; revenus du siège de Rome, prêchant aux Italiens l’obéissance au sénat, et exposant en mauvais latin comment l’empereur de leur choix était beaucoup plus Romain que l’autre, et avec l’aide des Goths restaurerait l’empire dans sa prospérité passée : tout cela dit, colporté, imposé par des gens qui portaient sur leurs poitrines les peaux de brebis teintes en pourpré livrées par Rome éternelle pour sa rançon. Les Italiens acceptèrent tout ce qu’on voulut ; divisés par les mêmes partis que les habitans de Rome, ils supportaient en outre une occupation étrangère dont ils crurent accélérer