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la fin par une prompte soumission. Au milieu de cette confusion inexprimable, le gouvernement d’Attale semblait néanmoins prendre racine, et celui d’Honorius tomber en dissolution, quand surgit d’un point où on ne l’attendait, guère, un, dissentiment qui, grossissant par l’opiniâtreté des hommes, prit l’importance d’une scission dans ce gouvernement à peine formé : voici de quoi il s’agissait.

L’Afrique avait pour gouverneur, depuis le meurtre de Stilicon, Héraclianus, bourreau de l’infortuné, régent et bras droit d’Olympius ; en d’autres termes, la subsistance de Rome se trouvait à la discrétion du plus mortel ennemi du sénat, de l’adversaire le plus déclaré de la tolérance religieuse, et, pour tout dire enfin, d’un assassin. Qu’allait-il se passer quand les nouvelles de l’Italie seraient connues à Carthage, quand Heraclianus apprendrait en même temps, la déposition d’Honorius, l’élévation d’Attale à l’empire, et la promotion d’Alaric au grade de généralissime, des armées d’Occident, Alaric au nom duquel il avait tué Stilicon ? Cette question, qui, était dans toutes les bouches, recevait de toutes la même réponse : Héraclianus mettrait l’embargo sur les navires stationnés dans les ports d’Afrique, arrêterait le départ de la flotte annonaire et affamerait du même coup les Italiens et les Goths. Nul ne douta que ce ne fût là, son premier acte. En vue d’un pareil malheur, la plus simple prudence ordonnait qu’on mît sans perdre un instant la main sur l’Afrique, dont les dispositions, en les supposant mauvaises, seraient contenues par un nouveau gouverneur : Alaric, qui siégeait au conseil d’Attale comme généralissime romain, proposa d’envoyer sur-le-champ une division de ses Goths sous la conduite d’un officier nommé Druma, homme intelligent, alerte, capable de bien diriger un coup de main et de bien régler les choses après le succès. « Le soldat goth, disait-il, offre pour une entreprise de cette nature plus de sûreté que le soldat romain ; il n’est point accessible comme celui-ci à la séduction des partis qui divisent dans l’empire l’armée aussi bien que le peuple. Il ne connaît point Héraclianus, et ne balancera jamais entre Honorius et Attale. » Il affirmait que quinze cents hommes d’élite suffiraient à cette expédition, qui ne devait être qu’une surprise habilement et vivement conduite.

Tel fut l’avis d’Alaric : beaucoup de gens l’approuvèrent, soit dans le conseil, soit dans le sénat ; quelques-uns le combattirent. En toute autre circonstance et de la part de tout autre chef d’auxiliaires ou de fédérés, la proposition eût paru simple et naturelle ; ici elle soulevait des soupçons involontaires, et elle était effectivement grave et discutable. Si d’un côté l’entreprise semblait plus certaine avec des Barbares, qui du moins ne changeraient pas de drapeau, et si la