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HORACE VERNET
SES ŒUVRES ET SA MANIERE

S’il est un artiste de l’école française dont le talent ait été, depuis les débuts jusqu’à la fin, accueilli avec une faveur unanime et récompensé par tous les genres de succès, si jamais peintre a vu de son vivant la popularité s’attacher à ses œuvres et la gloire à son nom, cet homme privilégié, cet enfant gâté de la fortune est assurément M. Horace Vernet. L’histoire de l’art national, même dans le siècle où nous sommes, a conservé, elle conservera sans doute de plus grands noms : elle n’en saurait enregistrer de mieux famés auprès des contemporains, de plus chers à la foule, d’aussi universellement applaudis. Lebrun et David lui-même, malgré leurs succès exceptionnels et l’influence qu’ils exercèrent, n’ont pas obtenu de pareils triomphes, ni compté dans tous les rangs, dans toutes les classes, autant d’admirateurs ou d’amis. Leur réputation, si brillante qu’elle fut, ne s’étendait guère au-delà des limites de notre pays; celle d’Horace Vernet a franchi les mers les plus vastes, envahi jusqu’aux plus lointaines contrées. Il fallait le burin de Gérard Audran et la munificence de Louis XIV pour que les Batailles d’Alexandre dépassassent quelque peu, au XVIIe siècle, le cercle des curieux ou des connaisseurs; à peine les estampes gravées par Morel ou par Massard d’après les meilleurs tableaux de David réussissaient-elles, en dehors de la France, à informer un petit nombre d’intelligences de la révolution accomplie dans notre école : tout au contraire les moindres compositions du peintre de la Smala, reproduites tant bien que mal à mesure qu’elles sortaient de l’atelier, allaient répandre partout la renommée de ce talent prodigue de lui-même ou plutôt incessamment rajeunir une gloire que les chau-