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caractérise spécialement chaque région agricole. Ces trois zones correspondent aussi, en une certaine mesure, à trois formations géologiques différentes, car la nature des roches soulevées est ici en rapport avec la hauteur des soulèvemens. La région des collines, qui s’étend dans le grand bassin compris entre les Alpes centrales et le Jura, appartient à la formation relativement récente de la molasse. Les montagnes, qui succèdent aux collines, même celles déjà très élevées de l’Oberland bernois, sont presque entièrement constituées des roches sédimentaires du calcaire. Enfin les soulèvemens les plus puissans, les chaînes du Valais, les groupes de la Bernina, de l’Albula et du Selvretta se rattachent aux formations cristallines et métamorphiques du granit, du gneiss, du micaschiste et du verrucano. Ces différences dans la constitution géologique du sol ont une influence assez grande sur l’aspect de la végétation pour qu’un observateur exercé ne puisse s’y tromper.

Nous venons d’indiquer les caractères généraux qui distinguent les trois zones qu’on rencontre en Suisse. Il faut maintenant étudier dans chacune d’elles les produits qu’on recueille et les moyens qu’emploient les habitans pour les obtenir. Au lieu de suivre l’ordre indiqué plus haut, et de remonter l’échelle, peut-être vaut-il mieux la descendre, et parler d’abord de la zone la plus haute, celle des pâturages.


I

Les limites de la Suisse embrassent une étendue d’environ 4 millions d’hectares, qui se répartissent ainsi : trente et un centièmes de la surface totale du pays sont occupés par les lacs, les fleuves, les routes, les rochers inabordables et les glaciers ; trente-six centièmes sont consacrés aux pâturages des hauteurs ou aux prairies permanentes de la région inférieure ; les forêts prennent dix-huit centièmes, et les champs cultivés, y compris les vignobles et les prairies artificielles, quinze centièmes seulement. Nulle part ailleurs, pas même en Angleterre, la proportion du terrain destiné à nourrir le bétail n’est aussi considérable.

Les statistiques publiées par le gouvernement fédéral attribuent aux pâturages alpestres une étendue de 2,200,000 jucharten, ce qui fait 792,000 hectares[1]. Malheureusement cette étendue diminue sans cesse, et elle n’est déjà plus à beaucoup près ce qu’elle était autrefois. Les montagnes schisteuses, comme le Faulhorn par exemple, s’effritent et sont ravinées par les pluies et les neiges. Les

  1. Contenant 40,000 pieds carrés et le pied suisse étant de 30 centimètres, le juchart équivaut à 36 ares.