Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

32 têtes de l’espèce bovine, tandis que la Belgique en compte 46, et la France 20.

À combien s’élève le produit brut ? C’est là une question du plus grand intérêt, car, en comparant le chiffre de ce produit et celui de la population, on peut se faire une idée approximative du degré de bien-être dont celle-ci jouit. En résumant les données fournies par les statistiques fédérales, on peut tracer le tableau suivant :

Produits végétaux.


Céréales 55,000,000 fr.
Vins, fruits, plantes industrielles 50,000,000 fr.
Pommes de terre, légumes 40,000,000 fr.
Bois 40,000,000 fr.
Produits animaux.


Lait, beurre et fromage 100,000,000 fr.
Viande 56,000,000 fr.
Laine, peaux, volailles, miel, etc 15,000,000 fr.
Jeunes chevaux 5,000,000 fr.
Total général 361,000,000 fr.

Si l’on répartit ce total entre tous les citoyens, on obtient 144 fr. par tête, tandis qu’un semblable calcul donne en Belgique 116 fr., et en France 139. La nation suisse peut donc trouver dans la masse de ses produits les élémens d’une condition heureuse, d’autant plus qu’elle importe encore une notable quantité de denrées alimentaires, et que le cultivateur garde pour son usage presque tous les fruits de son labeur. Cette circonstance si favorable tient à la constitution de la culture et de la propriété.

Depuis longtemps il n’existe plus en Suisse de grandes terres seigneuriales. Ce pays sauvage, avec ses hautes montagnes couvertes de neige, ses forêts et ses rudes pasteurs, convenait peu au développement de 1 ! aristocratie féodale. Dès le XIVe siècle, les paysans insurgés commencèrent à s’affranchir des petits tyrans dont on voit encore par-ci par-là les burgs en ruine. La seule noblesse qui se maintint fut un patriciat citadin, dont les intérêts étaient concentrés dans deux ou trois villes, Bâle, Genève et Berne. La terre resta entre, les mains de la population rurale. Une grande partie du sol, — les forêts et les alpages, — appartenant aux paroisses, et étant ainsi hors du commerce, la jouissance en demeura forcément aux habitans de la commune. Indépendamment de la part indivise qui lui revenait dans les biens communs, chaque famille possédait généralement quelque propriété, petite ou grande. Aujourd’hui encore, malgré le développement industriel, chacun à peu près est propriétaire. Dans les cantons agricoles, quatre-vingt-dix ménages