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depuis des siècles. Elle présentait l’aspect d’un vaste carré aux angles un peu arrondis ; un grand canal l’entourait et lui servait de fossé. De 30 mètres en 30 mètres, des tours flanquaient les murailles. Les quatre portes de la ville se trouvaient aux quatre points cardinaux ; l’enceinte des portes était double, et chacune avait à sa gauche, à 50 mètres d’intervalle, une arche percée dans le mur, servant de passage aux sampans. C’étaient les portes dites « de l’eau. » Depuis peu, les rebelles avaient complété ce système de défense en plantant sur la berge des fossés ces éternels abatis, chevaux de frise et bambous piquans, destinés à embrocher un homme, comme une épingle perce un coléoptère. Le canal de Ne-zian, menant au fossé, entre la porte du sud et une des portes de l’eau, était barré eh outré par des estacades en troncs d’arbres et en sampans coulés. Par les meurtrières, les créneaux et les embrasures, les rebelles ne cessaient de tirer sur les travailleurs ouïes reconnaissances. De grands arbres séculaires, dominant les remparts, indiquaient que la ville renfermait de riches pagodes et de vastes palais. De distance en distance, : des observatoires en bambous, espèces de corps de garde aériens, permettaient aux rebelles d’étudier les mouvemens des alliés.

Pour éviter toute confusion ; dans le service et dans l’attaqué, le général et l’amiral décidèrent que les Français prendraient la rive droite du canal, et les Anglais la rive gauche. On choisit pour point d’escalade l’espace compris entre les deux portes du sud, la porte de terre et la porte d’eau. Le tir des canons devait converger vers cet endroit et faire deux brèches. Quelques pièces seraient réservées pour battre en ricochet les faces de la ville et éteindre le feu des tours qui les flanquaient. Dans la nuit, les estacades et les troncs d’arbres devaient être enlevés par des sapeurs et des matelots. Les canons de campagne, mis d’abord en batterie à 400 mètres des murailles, devaient s’avancer peu à peu pour les écrêter, en chasser les défenseurs, couronner le fossé, et protéger ainsi jusqu’au dernier moment les colonnes marchant à l’assaut. Enfin, une première fusée devait indiquer l’instant où les sampans destinés à servir de ponts sur le fossé auraient à s’avancer ; une deuxième fusée annoncerait le moment de l’escalade. Dans la nuit, nos obusiers de 30 furent débarqués et mis en batterie à 260 mètres de la ville après bien des difficultés, si l’on songe que ces canons de marine sont sans roues aux affûts, et que, pour éviter le feu de l’ennemi, il fallut prendre Un détour et faire parcourir à des pièces pesant 2,000 kilos un espace de 500 mètres dans des terres labourées.

À deux heures du matin, les colonnes alliées vinrent prendre position et se massèrent derrière les plis de terrain. Le 1er mai au jour, un feu roulant s’engagea de part et d’autre ; mais au bout