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lui sont soumis. Son rôle, d’abord purement consultatif, tend sans cesse à s’agrandir. Sans doute bien des mesures que le conseil a proposées et fait adopter attendent encore un commencement d’exécution, ou bien si l’on a commencé, comme pour l’école forestière, que M. Tassy s’était chargé d’organiser, on n’a pas été jusqu’au bout ; on a créé des talens que l’on néglige ensuite d’employer, sollicité des efforts que l’on oublie de récompenser, fait naître des espérances que l’on ne paraît pas aujourd’hui songer à réaliser. Pourtant tout n’a pas été vain dans l’œuvre de ce conseil. Ne parlons pas des études qu’il a faites et des matériaux qu’il a réunis des utiles travaux qu’il a fait commencer sur plusieurs points, des entreprises dont il a facilité la réussite, comme celle du chemin de fer de Smyrne à Aïdin ; c’est déjà un bien grand résultat que d’avoir accoutumé les Turcs à prendre assez de confiance en des Européens pour remettre entre leurs mains des affaires qui touchent de si près aux plus chers intérêts de l’empire, et pour s’en rapporter presque toujours implicitement à leur décision. Le public s’étonne à Péra qu’en deux ou trois ans, sous la conduite d’hommes aussi capables que MM. Deleflfe, Ritter et Tassy, des services publics n’aient pas été organisés sur le même pied qu’en France. Le public, là comme partout, est impatient et injuste. Les membres du conseil, qui auraient plus que personne le droit de se montrer irrités de lenteurs dont ils sont les premiers à souffrir, ont le bon sens de juger le pays et la. situation d’un œil plus calme ; ils ont de l’ardeur, mais se défendent de l’impatience. Sans se laisser gagner par l’indolence turque, sans se lasser d’insister et de presser, ils s’applaudissent à part eux d’avoir réussi à faire quelque chose plutôt qu’ils ne s’étonnent de ne pas avoir encore tout fait.

À entendre bien des personnes, celles qui veulent paraître prendre les questions de haut, la vraie cause de cette lenteur, de cette inertie des Turcs, c’est qu’ils sont musulmans. L’islamisme, ajoute-t-on, par son dogme de la fatalité et par l’insistance qu’il met à en pénétrer les âmes fidèles, endort l’esprit et abat le cœur ; il arrête l’élan de l’activité humaine. — Cela est vrai en principe, et le serait également dans la pratique, si les hommes poussaient toujours à bout les croyances qu’ils font état de professer, si leur conduite était uniquement dirigée par les dogmes auxquels s’est soumise leur intelligence, si la logique enfin était la seule reine de ce monde ; mais ce n’est heureusement point ainsi que les choses se passent, et ni l’islamisme, ni les autres doctrines religieuses ne vont point nécessairement toujours et partout jusqu’à leurs conséquences extrêmes. Voyez dans le sein du christianisme lui-même : certains principes qu’il renferme implicitement n’ont-ils point paru prendre par momens une telle prépondérance que tout