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fois dressée, à une ouverture dans la toile, encadrée, elle aussi, du même bois. Les deux cadres, fixés l’un à l’autre par des fiches de cuivre, forment une fenêtre parfaitement impénétrable à la pluie. La tente est fixée au sol par vingt-quatre cordes et trente-six chevilles ; elle est chauffée par un poêle. Dans ces huit pieds carrés, on peint sans nulle gêne une toile de trois pieds, et on peut encore faire tenir une table à couleurs. En remplaçant le piquet central par quatre bâtons qui, fixés aux angles du cube inférieur, seraient solidement attachés à leur extrémité supérieure, on se ménagerait beaucoup plus d’espace, et on pourrait peindre des tableaux de plus grandes dimensions. Par le temps le plus froid, par le vent le plus terrible, on y peut travailler aussi à son aise que dans n’importe quelle pièce de même grandeur, et le prix de ce chef-d’œuvre n’a rien d’effrayant. Tout compris, il revient à moins de 30 livres sterling.

La Britannia et le Conway sont remplacés, eux aussi, par la Double-Star. J’ai dit les qualités de mes radeaux tubulaires ; mais ils avaient leurs défauts, dont le principal était un flottage insuffisant. Grâce à des modifications que l’expérience m’avait suggérées, et pour lesquelles je n’ai point vainement sollicité l’assistance de M. Scott Russell, le plus éminent des constructeurs anglais, j’ai obtenu un véritable modèle d’atelier flottant, long de trente pieds et monté sur deux tubes dont chacun est divisé en cinq compartiment étanches. Les ponts sont à jour afin de laisser écouler l’eau. La barque a deux mâts et manœuvre à l’aide de deux voiles auriques, plus un petit beaupré. Je l’avais éprouvée en 1861, et, satisfait en général de ses excellentes qualités, je travaillais à les perfectionner encore, lorsque la nécessité de vivre sous un ciel plus clément me contraignit de quitter les bords du Loch-Awe. La Double-Star est donc restée encore incomplète dans le petit havre d’Innistrynich, et ce que je ferai d’elle dépend absolument des circonstances qui se présenteront. Je ne voudrais pas divorcer définitivement avec ce beau lac, pour lequel je sens en moi une sorte de tendresse, et si j’y dois revenir, il me serait précieux d’y avoir une embarcation aussi bien aménagée. D’autre part, j’ai conçu le projet d’explorer, pinceaux en main, toutes les rivières navigables de ce beau pays de France où ma santé me retiendra peut-être longtemps. Dans ce cas, la Double-Star serait promise à de longues navigations fluviales, auxquelles son léger tirant d’eau la rend éminemment propre.


E.-D. FORGUES.