Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en rattacher une autre, qui parut en 1837, sur les rapports du platonisme et du christianisme[1]. Tous ces travaux n’étaient pourtant que des recherches qui côtoyaient, sans l’aborder encore le sujet principal. Dans les années qui suivirent, Baur s’attaqua toujours plus au vif de la question, et demanda compte aux institutions, aux traditions, aux écritures chrétiennes de leur valeur historique et de leurs origines. En 1838, il publia son remarquable ouvrage sur l’Origine de l’Episcopat[2], resté fondamental sur cette épineuse matière. En 1845 parut son livre sur l’apôtre Paul, sa carrière et ses épîtres, dans lequel on pouvait déjà voir se dessiner les traits généraux de sa théorie sur la genèse du christianisme[3]. Quelques années auparavant, il avait signalé dans un traité spécial les motifs qui lui paraissaient plaider contre l’authenticité des épîtres dites pastorales) adressées, selon la tradition, aux disciples de Paul, Timothée et Tite[4]. À partir de la publication sur l’apôtre Paul, il concentra ses recherches sur les Évangiles eux-mêmes, et soit dans des ouvrages spéciaux, soit dans des articles de l’Annuaire théologique de Tubingue, rédigé par lui, M. Zeller et leurs amis, il les soumit à une critique minutieuse, à une discussion radicale. Nous n’avons rien dit de son travail sur les épîtres d’Ignace, dont l’authenticité, depuis notre Jean Daillé, qui ouvrit le feu contre elles en plein XVIIe siècle, est devenue toujours plus suspecte, rien non plus de l’ouvrage qu’il opposa à la fameuse Symbolique de Mœhler, et où il déploya une étonnante verdeur protestante, ni de son Histoire du Dogme chrétien, ni de deux formidables traités sur l’histoire du dogme de la rédemption et celle du dogme de la Trinité, ni enfin des Gegenschriften, de ses répliques à ses adversaires. Si nous ajoutons que les règlemens académiques de Tubingue l’appelaient à monter souvent en chaire le dimanche pour prêcher, à s’occuper de l’administration ecclésiastique, et qu’il mettait un zèle exemplaire à s’acquitter de ces fonctions, on verra que nous n’avons rien exagéré en parlant d’une vie on ne peut plus laborieuse.

Pendant que le maître poursuivait sa tâche avec une si remarquable ardeur, ses amis et ses élèves travaillaient de leur côté à réviser ou à étendre son système. Ses théories étaient combattues avec une consciencieuse furie, quelquefois très comique, par les chefs de la réaction théologique, avec une mauvaise humeur évidente par l’excellent Neander, qui lui faisait toujours plus de concessions tout en abhorrant ses expressions hégéliennes, avec une passion

  1. Das Christliche des Platonismus, oder Sokrates und Christus.
  2. Ueber dm Ursprung des Episcopats.
  3. Paulus, der Apostel Jesu Christi.
  4. Die sogen. Pastoralbriefe des A. Paulus.