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pour eux et conformément aux idées alors reçues de la vie d’outre-tombe, leur conviction que Jésus était vivant, vainqueur de la mort ? C’est un point délicat sur lequel Baur, dans l’ouvrage que nous avons pris pour guide, ne s’exprime pas avec toute la clarté désirable. Quoi qu’il en soit, il rappelle que pour l’historien la réalité du fait lui-même de la résurrection n’est pas l’essentiel : l’important, c’est que cette croyance fut pleine et entière dans la conscience des disciples. Dans tous les cas, la mort du Christ, bien loin de tuer sa cause, lui communiqua une irrésistible puissance.


III

Nous nous sommes étendu sur ces toutes premières origines du christianisme un peu plus peut-être que le livre du professeur de Tubingue ne nous y eût autorisé, s’il nous avait fallu le résumer également dans toutes ses parties ; mais cela était indispensable à la grande majorité des lecteurs pour bien comprendre la pensée de Baur, ainsi que les évolutions du christianisme primitif telles qu’il les a racontées.

Nous savons donc que le christianisme originel est tout intérieur, tout spirituel, sans qu’aucune rupture avec le judaïsme ait été proclamée par son fondateur, et qu’il a trouvé sa forme dogmatique et populaire dans cette déclaration : Jésus de Nazareth est le Messie. Il faut maintenant assister à l’éclosion d’un pareil germe.

Sans rompre encore en quoi que ce soit les liens qui rattachaient tous ses membres au judaïsme, la première communauté chrétienne de Jérusalem vit augmenter rapidement le nombre de ses prosélytes. Il leur était venu des langues de feu. L’enthousiasme pour le Messie mort et ressuscité se communiquait comme une flamme. La même hostilité qui avait écrasé le maître aurait dû s’étendre aux disciples. Et pourtant, si le christianisme en fût resté purement et simplement à sa formule primitive, des rapports relativement pacifiques auraient pu s’établir. Les Nazaréens, comme on les appelait, eussent formé un parti juif comme un autre, se distinguant seulement en ceci que, selon lui, le Messie désiré était déjà venu, qu’il s’appelait Jésus de Nazareth, et que, repoussé de son peuple par un déplorable malentendu, il reviendrait sous peu revêtu de gloire et de toute-puissance. Du reste, il fût resté sur le même terrain dogmatique et rituel que l’ensemble de la nation. En fait, et si l’on excepte quelques mauvais jours, les chrétiens de Jérusalem jouirent d’une certaine tolérance jusqu’au moment de la guerre contre les Romains, surtout lorsqu’à la suite d’une épuration dont nous allons parler, leur attachement fervent à toutes les formes de la loi eut été constaté par le peuple et les autorités.