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mûr de son enveloppe printanière, et qui donna à la religion nouvelle le caractère qu’elle devait avoir pour se répandre dans le monde païen. Tandis que les premiers apôtres croyaient devoir renfermer leur mission dans les limites de la Palestine, c’est l’empire tout entier que Saul prit pour champ d’évangélisation, et rien ne saurait donner l’idée de l’activité et des succès de cet homme vraiment prodigieux. La brusque antithèse dans laquelle il s’était trouvé placé par ses rapports successifs avec le judaïsme et le christianisme se refléta dans son enseignement si original et d’un si profond mysticisme. Sa première abomination, le Messie crucifié, était devenue le principe même de sa foi. Aussi déclarait-il que la loi juive avait décidément fait son temps. C’était un vêtement usé, une institution qui avait pu avoir son utilité comme préparation de l’avenir, mais qui désormais nuisait plus qu’elle ne servait à la religion définitive dans laquelle Juifs et païens devaient indistinctement se réunir. La mort du Christ, fin de l’ancien ordre de choses, commencement du nouveau, était donc la rançon de la délivrance universelle. Au salut par les œuvres de la loi devait se substituer la justification par la foi, expression paulinienne qui, dans la mystique théorie de l’apôtre des gentils, signifiait que le principe de la vie religieuse et morale devait être désormais l’union d’esprit et de cœur avec le Rédempteur. Les conséquences pratiques d’une telle foi, c’étaient des œuvres de charité, une conduite pure, le dévouement au bien général ; mais de circoncision, de rites nécessaires, de viandes défendues, de sacrifices au temple, de pèlerinages à Jérusalem, en un mot d’œuvres légales, il ne pouvait plus être question.

Nous avons déjà parlé des controverses violentes que suscita au sein de l’église apostolique cette déclaration de la déchéance irrévocable de la vieille loi d’Israël. Comme de coutume, ce progrès dans le sens du spiritualisme et de la liberté fit l’effet d’une destruction impie de tout ce qu’il y avait de plus sacré au monde. Paul, passa pour un apostat, sa doctrine pour une légitimation de l’immoralité. Les chrétiens juifs de la Palestine, qui avaient d’abord appris avec plaisir les rapides conquêtes du monothéisme et de la foi en Jésus-Christ, dues à l’initiative de leur ancien adversaire, changèrent complètement d’avis quand ils surent ce qu’il en était. Des émissaires se disant autorisés par les apôtres de Jérusalem se rendirent dans les communautés fondées par Paul, et sommèrent leurs membres de se soumettre à toutes les prescriptions de la loi juive en dénigrant autant que possible celui qui les avait convertis. Jusqu’à quel point les douze, comme on appelait les premiers apôtres, approuvaient-ils cette conduite à l’égard d’un compagnon d’œuvre dont ils avaient d’abord toléré, faute peut-être de les bien comprendre, les vues particulières ? C’est une question épineuse. Baur