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à ceux d’espèces éteintes, dans la grotte de Bize (département de l’Aude) ; l’année suivante, M. Christol fit une découverte semblable à Gondres, près de Nîmes. Ces explorateurs en conclurent que l’homme avait été le contemporain du rhinocéros, de l’hyène, de l’ours, et d’autres animaux antédiluviens, aussi bien que du renne et de l’aurochs. Cette opinion, qui pouvait alors passer pour très hardie, fut combattue par M. Desnoyers, le savant bibliothécaire du Muséum. Suivant lui, les haches et les flèches en silex, les os épointés, les grossières poteries des cavernes françaises ou anglaisés, ressemblent tout à fait à ceux qu’on trouve sous les tumuli et sous les dolmens des habitans primitifs de la Gaule, de la Grande-Bretagne et de la Germanie. Les ossemens humains, dans les cavernes où ils sont réunis à ces objets, ne peuvent donc appartenir à des périodes antédiluviennes, mais à un peuple qui était au même état de civilisation que celui qui construisait les tumuli et les autels de pierre. À cette époque, la distinction n’avait, on le voit, pas encore été établie entre les silex polis et les haches simplement ébauchées.

En 1833, le docteur Schmerling, de Liège, fouilla avec une patience assidue toutes les cavernes des environs de Liège. À Engis, il eut la bonne fortune de découvrir plusieurs crânes humains, dont l’un est entier et a pu être conservé dans le musée de l’université ; ce spécimen précieux, qui ne diffère pas beaucoup des crânes européens modernes, fut ramassé dans une brèche stalagmiteuse contenant des dents de rhinocéros, de cheval, de renne et des débris de ruminans fossiles. Dans toutes les cavernes de la vallée de la Meuse, M. Schmerling trouva des armes, des ustensiles en silex et en os. Il n’hésita pas à admettre la contemporanéité de l’homme et de la faune antédiluvienne ; mais il ne put faire partager à personne son ardente conviction.

Depuis cette époque, on a fait dans les ossuaires des cavernes la découverte d’un squelette humain entier ; il a été trouvé en 1857 dans le Neanderthal, près Dusseldorf, par le professeur Fuhlrott. La forme du crâne est si extraordinaire que les savans allemands réunis à Bonn en 1857 doutèrent d’abord qu’il pût appartenir à un homme, et furent disposés à l’attribuer à un singe. Cependant le professeur Schaffhausen a levé à cet égard toutes les incertitudes ; il a déclaré que le squelette était celui d’un homme dont le développement cérébral était très faible, et qui était doué d’une force musculaire très remarquable. Ces affirmations sont d’accord avec celles de M. Huxley, qui a étudié avec beaucoup de soin le crâne du Neanderthal. On trouverait facilement en Europe aujourd’hui des crânes à peu près semblables à celui d’Engis ; mais celui des environs de Dusseldorf se rapproche beaucoup des crânes du gorille et du chimpanzé par ses énormes arcades sourcilières, par sa faible hauteur