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de tomber sur lui. On a taillé depuis en plein drap, et le public paraît très bien s’en accommoder. M. Magnin fit au National des articles plus sérieux sur le plébéianisme dans les arts, sur la confédération germanique. Le mot et l’idée du premier de ces articles et tous les renseignemens statistiques du second lui avaient été fournis par M. Ramée. J’ai le regret de rencontrer dans les colonnes du National trop peu d’articles littéraires de M. Magnin, quelques-uns de loin en loin, sur les Études historiques de Chateaubriand, sur l’Histoire de la Renaissance de la liberté en Italie par M. de Sismondi, un très bon article sur un drame du théâtre chinois traduit par M. Stanislas Julien ; mais M. Magnin était dès lors à la Revue, et c’est de ce côté que sa faculté littéraire et critique allait désormais trouver un ample espace et un cadre heureux pour s’étendre et se développer.

Il est difficile, en général, de ramener à l’unité l’œuvre éparse d’un critique ; il est délicat surtout de prétendre saisir le point central et le noyau de ces organisations de plus d’étendue que de relief. Je l’essaierai pourtant en ce qui est de M. Magnin, et je ne craindrai pas de mettre de côté dans son élégant et ingénieux bagage, ou du moins de rejeter en seconde ligne, ce qui ne lui appartient pas en propre : nous discernerons plus sûrement ensuite ce qui est bien à lui.

L’article sur la reine Nantechild, publié dans la Revue (15 juillet 1832), fit sensation et presque événement par les vues neuves qui y étaient exposées pour la première fois avec ensemble sur l’art du moyen âge, sur les diverses époques bien distinctes et les phases qu’il avait traversées. Pour ceux qui l’ont un peu oublié, je rappellerai que cette reine Nantechild était une des femmes de Dagobert Ier, et sa statue se voit à Saint-Denis sur le tombeau de ce roi mort en 638 ; cette statue n’est pas (bien entendu) de l’époque mérovingienne, mais paraît être de la première moitié du XIIIe siècle. À propos d’un simple moulage, exécuté par les soins de M. Ramée, M. Magnin prenait occasion de tracer tout un tableau magistral et d’exposer une histoire abrégée de l’art (architecture et sculpture) pendant plusieurs siècles ; il en déroulait les transformations graduelles et en décrivait les manières successives avec une science, un goût, une précision qui supposaient vraiment une longue pratique : c’était à faire illusion.

Je dis illusion à dessein, car toute cette science n’était en effet qu’une appropriation heureuse et instantanée de l’écrivain : c’était du talent de metteur en œuvre, de rédacteur ingénieux et élégant. M. Magnin dans cet article si remarqué, et il ne l’avait pas assez dit, n’était que rapporteur.