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dernières élections, vient de se désister en faveur de M. Prevost-Paradol. S’il y a dans cette circonscription beaucoup d’hommes jeunes et lettrés sensibles à ces enthousiasmes délicats du cœur et de l’esprit qui sont une grâce de la jeunesse, M. Prevost-Paradol sera leur candidat favori ; si les électeurs de la sixième sont des Athéniens, il sera nommé. Reste M. Edouard Laboulaye. Il est assurément regrettable que des intelligences telles que celle de M. Laboulaye ne soient point appelées par la nation dans la vie publique. Plus d’une candidature eût dû être offerte à M. Laboulaye. Pourquoi faut-il que l’opinion libérale soit réduite à lui demander un acte d’abnégation ? pourquoi faut-il qu’on soit exposé à lui fermer le corps législatif en lui demandant de céder la candidature libérale de la seconde circonscription de Paris à M. Thiers ?

M. Thiers, en acceptant la candidature, fait un acte, pour employer une expression de son ancien langage politique, et un acte d’une grande portée. Cet acte, il l’a accompli dans les conditions qui étaient les seules, comme nous l’avions compris dès l’origine, qui pussent convenir à la dignité de sa situation. Un homme tel que lui, dans l’état où nous sommes, ne pouvait pas aller au-devant des électeurs et se jeter à la tête du pays ; c’était aux électeurs de venir le chercher eux-mêmes dans sa noble retraite, et de solliciter sa rentrée dans la vie politique au nom de l’intérêt et de l’honneur publics. Nous comprenons que, malgré les élans du patriotisme et du talent, M. Thiers ait hésité d’abord à accepter la place qui lui était offerte dans la liste dressée par les députés sortans et par trois journaux de Paris. L’appel public n’était point assez sensible pour lui dans cette combinaison, il n’était pas suffisant pour faire violence à d’honorables scrupules ; mais la publication de la liste a produit une impression qui a dû avertir M. Thiers des dispositions réelles de l’opinion libérale à son égard. Tout le monde s’attendait à y trouver son nom : il est littéralement vrai de dire que ce nom y brillait par son absence. Le désappointement a été général ; il a fallu qu’il fût bien fort pour faire sortir des habitudes d’inertie passive où le public est tombé parmi nous des électeurs notables de la deuxième circonscription de Paris. Une réunion d’industriels et de commerçans s’est formée dans une des maisons les plus honorées du commerce parisien. Plus de cinquante personnes s’y sont trouvées ; on y a décidé qu’une démarche serait faite auprès de M. Thiers pour lui proposer la candidature. M. Thiers s’est rendu à cette manifestation, qui ne faisait que traduire un sentiment général. Les électeurs qui ont, en cette circonstance, pris l’initiative ont été également les interprètes de l’opinion libérale dans la lettre de remercîment qu’ils ont adressée à M. Thiers après avoir été informés de son acceptation. « S’il est un sentiment général, disent ces représentans du commerce parisien, qui se manifesta de toutes parts, c’est le désir de voir rentrer dans la vie publique des hommes éminens que nous comptons au nombre, de nos illustrations nationales.