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corrélation est assez manifeste pour être sensible à la main ? Et ne serait-on pas tenté de s’étonner, si l’histoire des découvertes humaines n’était pleine de ces anomalies, que Rumford n’en ait pas donné la véritable explication ? Quoi qu’il en soit, cette expérience mérite d’être reprise avec précision, et nous la recommandons à nos officiers d’artillerie ; il leur serait sans doute facile de constater qu’un canon s’échauffe moins lorsqu’il tire à boulet que lorsqu’il tire à blanc avec une simple gargousse, et l’étude de ce phénomène pourrait leur donner d’utiles enseignemens.

L’expérience de Rumford sur le frottement a été reprise avec les corps les plus divers et sous des formes variées dès que l’on eut compris ce qu’on en pouvait tirer. M. Joule, dont le nom se présente à chaque instant quand on étudie la nouvelle théorie, faisait tourner une petite roue à palettes dans une masse d’eau ; le mouvement était donné par la chute d’un poids. Il mesurait donc facilement le travail correspondant à la rotation. L’échauffement de l’eau s’observait directement au thermomètre. Il trouva ainsi pour le rapport d’équivalence le nombre 424. Une autre série d’expériences faites en remplaçant l’eau par du mercure donna le nombre 425. L’eau ou le mercure, comme on voit, servait en même temps à M. Joule de corps frottant et de calorimètre. Dans une troisième série d’essais, M. Joule fit frotter un anneau de fer sur un disque de même nature dans une masse d’eau, ce qui était, à proprement parler, l’expérience même de Rumford ; il arriva par ce procédé au nombre 425. M. Favre fit frotter de l’acier contre de l’acier et donna pour résultat de ses essais le nombre 413. On pourrait citer plusieurs autres déterminations de ce genre, et si l’on en a fait beaucoup, on en fera sans doute encore un plus grand nombre par la suite. Ces expériences demandent un soin minutieux et une ingénieuse appréciation des circonstances qui peuvent motiver des corrections dans les données numériques ; mais rien de plus simple, de plus satisfaisant pour l’esprit que leur principe. Le frottement y apparaît directement comme un des phénomènes dans lesquels le travail se transforme en chaleur.

C’est donc avec des notions plus saines que l’on peut maintenant examiner ce qui se passe dans les cas innombrables où deux corps se meuvent au contact l’un de l’autre. Et l’on n’est plus tenté d’admettre que dans le jeu d’une machine, qui a pour effet de soumettre diverses surfaces à des frottemens, une partie de la force motrice soit mystérieusement absorbée. Une portion de cette force se perd à communiquer du mouvement soit à l’air ambiant, soit aux supports de la machine ; c’est là une perte que l’on peut suivre. Une autre partie est employée à user les surfaces frottantes, à décomposer