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les liquides dont elles sont enduites ; ce sont encore là des effets que l’on peut apprécier. Mais cette notable portion du travail moteur qui était consommé sans qu’on pût en rendre compte par ces divers motifs, on sait maintenant qu’elle ne disparaît comme travail qu’autant qu’elle se retrouve comme chaleur. Cette chaleur pourra se perdre en échauffant les organes de la machine, elle pourra se répandre sans effet utile dans l’atmosphère ; mais du moins rien ne demeurera inexpliqué, et nous pourrons poursuivre dans toutes leurs phases les transformations successives du travail moteur. Dira-t-on que c’est là un mince résultat, qu’on ne pourra suivre ces changemens que par l’imagination, et que la pratique n’en atteindra pas la mesure ? Et d’abord rien ne prouve qu’on ne puisse pas tirer de précieuses applications de cette notion nouvelle du frottement ; mais en tout cas, qu’on ne s’y méprenne pas, elle nous délivre d’une grande hérésie scientifique que bien des personnes ont côtoyée sans doute, et où il est à penser que quelques-unes sont tombées autrefois. Supposer, comme on était tenté de le faire jadis, à propos du frottement, qu’un travail moteur s’anéantit sans rien produire,’c’est une erreur du même ordre que de croire qu’un travail moteur peut naître de rien. Ce sont deux absurdités réciproques et solidaires. Les vieilles idées courantes sur le frottement renfermaient donc, plus ou moins cachées dans leurs flancs, toutes les billevesées qui ont signalé la recherche du mouvement perpétuel.

Des considérations du même ordre s’appliqueraient à la théorie des chocs, où les phénomènes calorifiques entrent pour une part considérable. Si on tire avec une carabine rayée contre une cible très résistante, on constate que la balle est brûlante après le choc. La chaleur développée par ce choc, si on la supposait concentrée tout entière dans le plomb dont la balle est formée, en élèverait la température à plus de 500 degrés. Elle serait donc plus que suffisante pour liquéfier le plomb. Si on tire à boulet sur une cible très dure, on voit souvent jaillir un éclair de lumière au moment où le boulet frappe la cible. On peut dire qu’en général nous estimons trop bas la quantité de chaleur qui est due aux chocs. On a calculé que si un corps tombe de la hauteur où l’attraction terrestre est à peine appréciable, il donnera en touchant la terre deux fois plus de chaleur que n’en dégagerait la combustion d’un poids égal de charbon.

Nous venons de voir l’étude du frottement tout à fait régénérée. Celle de la dilatation des corps va aussi se transformer complètement en vertu des idées nouvelles. Ici vient se placer d’abord une expérience mémorable, fondamentale, exécutée en 1845 par M. Joule,