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indices du jugement définitif que le gouvernement portera sur le mouvement électoral, lorsque, la lutte terminée, il en considérera de sang-froid le sens et la portée. Une certaine véhémence est reçue dans les polémiques électorales, les journaux officieux se sont donné à cet égard libre carrière, et c’est dans leurs colonnes seules, tandis que les journaux de l’opposition se renfermaient dans les limites de la discussion la plus modérée, que nous avons retrouvé ces excès de personnalités qui ont tant nui en France au crédit de la presse. Ces vivacités, que la chaleur du combat explique quelquefois et ne justifie jamais, n’ont pas pénétré, nous en sommes sûrs, dans l’esprit méditatif et expérimenté de l’empereur. Si le mouvement électoral révèle certains besoins de l’opinion et certaines difficultés dans la pratique actuelle du gouvernement, il n’y a rien dans la constitution et dans les déclarations réitérées de l’empereur qui le puisse empêcher d’aviser par d’opportunes concessions et de sages réformes aux mobiles exigences de l’esprit public et des affaires. L’empereur sait mieux que personne que la vitalité des institutions tient à leur flexibilité, et que le succès des hommes d’état dépend de l’attention qu’ils prêtent aux signes du temps et de la dextérité avec laquelle ils modifient leurs procédés à mesure que les situations varient. L’histoire de l’Europe depuis un siècle nous apprend que l’existence des gouvernemens qui ont cru trouver à un certain moment leur sécurité dans une politique restrictive n’a été qu’une série de capitulations, et l’histoire de l’Angleterre a prouvé que le pouvoir gagne toujours beaucoup plus à ces capitulations qu’il ne semble y perdre, quand elles sont faites à propos et de bonne grâce. Aussi, quelle que soit l’issue des élections, nous sommes d’avance persuadés qu’elles laisseront la France sur la voie des progrès constitutionnels et libéraux.

S’il était besoin d’invoquer d’autres exemples en faveur de l’esprit de conciliation et de concession, nous en trouverions un sous nos yeux mêmes dans le triste état où un maladroit et hargneux esprit de résistance et de chicane place la Prusse. Quel fâcheux spectacle donne à cette heure un pays que le libéralisme européen s’était habitué à considérer comme devant présider au développement progressif de l’Allemagne ! M. de Bismark n’avait-il point un meilleur emploi à faire de son intelligence et de son caractère remuant et hardi ? Au temps où nous vivons, il est difficile de comprendre qu’il puisse exister un conflit entre un gouvernement national et une chambre nationale qui vient à peine de recevoir son mandat du pays ; mais, quand un tel conflit se produit, il n’est guère possible de ne pas donner tort au gouvernement Comment en effet un gouvernement qui a pour lui l’unité des délibérations, l’unité de l’action et tous les moyens de prestige et d’influence, peut-il laisser naître et s’envenimer à ce point l’antagonisme parlementaire ? Il y a là un défaut palpable de bon sens et d’adresse. L’absurdité de la crise prussienne paraît plus choquante encore quand on voit le ministère en placer dans une question d’étiquette le point