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fluence qui leur sont dues. L’Allemagne collective aura la satisfaction de se sentir vivre en s’entendant parler et en écoutant le retentissement de sa voix dans l’opinion publique européenne. Quant à nous, nous ne sommes point partisans de l’unité allemande telle que la rêvent des niveleurs et des bureaucrates : nous croyons que pour son bonheur l’esprit germanique est essentiellement fédératif et non unitaire; mais nous sommes convaincus qu’il existe dans le régime actuel de la confédération une lacune dont l’Allemagne et l’Europe souffrent à la fois. Ce régime refuse un organe efficace aux intérêts collectifs, aux pensées communes, à l’union morale des peuples allemands. Il y a là un vice profond dans la situation de l’Allemagne, vice qui s’est manifesté tour à tour par des agitations stériles, des ambitions impuissantes et des mouvemens révolutionnaires avortés, vice que M. de Schmerling, l’homme d’état aux idées mûries, aux vues suivies, au caractère ferme et persévérant, veut faire disparaître de la bonne façon par une de ces réformes opportunes qui satisfont les aspirations des peuples sans troubler les situations existantes.

L’empereur d’Autriche et M. de Schmerling réussiront-ils du premier coup? Il faudrait, pour l’espérer, n’avoir aucune idée des obstacles qui se dressent devant eux. Le pacte fédéral de l’Allemagne a été constitué de telle sorte qu’il ne semble pas possible de le réformer légalement. Le pacte fédéral exige en effet l’unanimité des voix « quand il s’agit de l’acceptation ou du changement de lois fondamentales. » Que quelques membres de la confédération s’obstinent dans leur opposition, toute réforme par les voies légales demeure impossible. Telle est l’impasse où les imprévoyances politiques de 1815 ont emprisonné le peuple allemand. Ces profonds théoriciens du despotisme ont cru assurer la pérennité de leur œuvre en introduisant dans la confédération le véritable principe du liberum veto. Pour décourager les réformateurs, ils n’ont pas hésité à faire le jeu des révolutionnaires. C’est l’éternelle manœuvre de la clique absolutiste. Or, dans les circonstances actuelles, l’opposition du cabinet de Berlin au projet de réforme de l’Autriche n’est pas douteuse. En allant inviter lui-même le roi de Prusse à la réunion de Francfort, l’empereur d’Autriche ne pouvait guère compter sur une acceptation. Le cabinet de Berlin a une suite de petits états : sa clientèle, il est vrai, est en train de diminuer; il a perdu notamment l’appui du duc de Saxe-Cobourg, le protecteur du National Verein, dont le récent voyage à Vienne a été si remarqué, et semble avoir été la raison déterminante de l’initiative prise par l’Autriche. Il doit avoir, par ses tendances rétrogrades, mécontenté et embarrassé le gouvernement très libéral du grand-duché de Bade, qui avait coutume de marcher avec lui. L’Autriche au contraire a pour elle ce qu’il y a de plus considérable en Allemagne; la majorité, et une majorité importante, lui est assurée. Cependant le concours de la Prusse et de ce qui lui reste d’adhérens fera défaut. C’est à tort, croyons-nous, que l’on a voulu voir dans le voyage du prince