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de Prusse à Gastein un motif d’espérer que la politique prussienne inclinerait aux concessions, et que le roi se ferait représenter par son fils à la réunion de Francfort; une supposition plus déplacée encore était celle qui attribuait le voyage du prince royal à des pensées d’abdication du roi Guillaume. Si nous sommes bien informés, la réunion du roi et du prince de Prusse à Gastein ne serait qu’un rapprochement de famille. La reine de Prusse, cette personne si distinguée, dont l’esprit et le cœur sont soumis par la situation présente à de si pénibles épreuves, aurait employé auprès du roi sa médiation maternelle pour atténuer les effets de l’opposition publique que le prince royal a cru devoir faire à la politique qui a obtenu l’approbation de son père. La reine aurait obtenu que le roi appelât son fils auprès de lui. Cette démarche étant ramenée à son véritable caractère et ne pouvant être interprétée comme un changement dans les dispositions de la cour de Berlin, il demeure à peu près certain que, dans l’état actuel de la légalité fédérale, la réforme autrichienne n’a pas de chance d’être convertie par la diète en loi de la confédération.

Mais, même avec cette perspective qu’elle devra échouer contre les difficultés de la légalité fédérale, l’initiative prise par l’Autriche n’en demeurera pas moins un grand acte politique. Cette réunion de princes convoquée à Francfort par le descendant des empereurs d’Allemagne est bien faite pour ébranler l’esprit national. Il ne s’agit pas sans doute d’une de ces cérémonies gothiques dont la vieille ville germanique était jadis le théâtre quand elle recevait l’empereur élu, d’une de ces fêtes qui dans l’imagination de Goethe enfant, comme il nous le raconte dans ses mémoires, laissèrent une dernière splendeur du moyen âge évanoui. Notre époque est à la fois moins théâtrale et moins naïve ; la maison d’Autriche a le goût de la simplicité, et les princes allemands ne donnent plus au peuple le spectacle des couronnes d’or, des robes armoriées et des processions chevaleresques. Au fait, il s’agit de ce que nous appelons, dans la langue peu poétique de la politique moderne, l’agitation d’une question. Sur l’invitation et sous l’influence de l’empereur d’Autriche, des rois, des ducs, des landgraves viennent assister au commencement de l’agitation de la question qui émeut le plus l’Allemagne, la réforme du pacte fédéral. Jamais agitation n’aura eu de promoteurs de cette sorte, et quand un débat s’ouvre de cette façon, il est naturel que l’opinion publique soit attentive et prenne bientôt un vif essor. Le premier effet de la réunion de Francfort sera donc de donner une impulsion encore plus forte, si c’est possible, au mouvement de la réforme fédérale.

La question étant posée par l’Autriche en si grand apparat, les adversaires de l’Autriche, ceux qui rejetteront son plan, le gouvernement prussien par exemple, seront obligés de prendre le public pour juge de leur opposition, de présenter leurs propres projets de réforme en face du projet autrichien. Comment le gouvernement prussien répondra-t-il à cette mise en demeure?