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Il est donc chimérique de voir dans le patronage que notre gouvernement donne à la candidature de l’archiduc l’effet d’une combinaison qui doit avoir un contre-coup dans la politique européenne. Il n’y a là pour l’archiduc qu’une question toute personnelle; parmi les princes sans emploi, il a paru le mieux doué, le plus digne, voilà tout. L’archiduc acceptera-t-il la couronne? Il nous semble que les plus grandes probabilités sont pour l’acceptation. Voilà deux années que son nom a été mis en avant; si, après avoir paru au début de l’expédition, il reparaît à la fin de la campagne, c’est que le jeune prince ne l’a point retiré. L’archiduc Maximilien est le gendre du roi Léopold de Belgique. On assure que ce roi, dont le grand sens est si universellement apprécié, n’a point déconseillé l’acceptation à son gendre. S’il en est ainsi, bien que nous gardions à l’endroit de l’expédition du Mexique et de ses futures conséquences les impressions de scepticisme que nous avons antérieurement exprimées, nous ne ferons nulle difficulté de convenir que la nomination de l’archiduc Maximilien est la meilleure sortie que l’on puisse désirer pour la France d’une affaire aussi aventureuse. Une fois le nouvel empereur installé, nous pourrons, après un temps raisonnable, retirer nos troupes et dire adieu au Mexique. Le nouvel empereur nous présenterait aussi, au point de vue financier, des avantages qui ne sont pas à dédaigner. Avec lui, la question financière au Mexique serait promptement résolue. Grâce à la confiance que son nom inspire aux capitaux européens, le nouvel empire pourrait facilement contracter des emprunts : on assure que des propositions sérieuses sont déjà faites de plusieurs côtés pour une opération semblable. Avec un emprunt, le Mexique pourrait se mettre en règle envers ses anciens créanciers, et, ce qui est l’important, nous paierait sans de trop longs retards les frais de la guerre.

Nous n’avons pas besoin de signaler le contraste que présentent en ce moment l’Autriche, tentant un généreux effort pour faire profiter l’Allemagne entière de sa propre régénération intérieure, et la Russie, trahissant doublement sa faiblesse et par la polémique chicanière qu’elle soutient contre l’Europe occidentale, et par les terribles mesures de répression qu’elle applique en Pologne. Ce contraste ressort des choses mêmes avec une signification si humiliante pour la cour de Russie qu’il devrait mettre la diplomatie de ce pays en garde contre le mauvais goût et le ridicule des allures impérieuses et dédaigneuses qu’elle affecte de conserver à l’égard de l’Autriche. En faisant cause commune avec l’Occident, en prenant dans la question polonaise une attitude honnête et décidée, l’Autriche s’est retrempée, rajeunie, fortifiée; la liberté d’action et les facultés progressives qu’elle a recouvrées, elle peut immédiatement les communiquer et les rendre utiles à l’Allemagne entière. Pendant ce temps-là, la solitaire et farouche Russie se retire d’elle-même de la communauté européenne, à laquelle elle n’a d’autre spectacle à offrir que l’œuvre de spoliation et de meurtre poursuivie