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depuis lors. Une remarque a été faite à cette occasion. Parmi ces enfans, ceux qui ont le mieux réussi sont les orphelins et les abandonnés : rien n’a troublé la réforme de leurs penchans vicieux, leur désir d’apprendre, leur volonté de persévérer ; à peine citerait-on dans leurs rangs quelques exceptions. Les enfans au contraire, légitimes ou naturels, sur lesquels pouvaient s’exercer quelques influences de famille, n’étaient jamais ramenés d’une manière définitive. Au moment où l’on comptait le plus sur eux, un mauvais exemple, un conseil pervers suffisaient pour détruire le bien que l’école avait pu produire. Les inspecteurs signalent dans leurs rapports beaucoup de faits de ce genre, entre autres le suivant. Un garçon de quatorze ans, sorti d’une école de district, s’embarque sur un bâtiment de l’état. La campagne d’essai est heureuse ; on l’admet comme novice, il est sur le point de reprendre la mer. C’est le moment que sa mère choisit pour le débaucher ; elle convoite les nippes neuves qui couvrent son fils ; elle le perdra pour avoir ce petit butin. Le jeune garçon résiste ; les bons instincts prennent un moment le dessus. Que fait la mère ? Elle entraîne l’enfant dans un débit de genièvre, le ramène ivre-mort, le couche, et pendant qu’il est au lit va vendre sa dépouille chez le fripier voisin. À son réveil, le malheureux novice ne put, faute d’habits, rejoindre son bâtiment, qui partait dans la journée. Signalé comme déserteur, il expia son écart dans une maison pénitentiaire ; sa mère, par insuffisance de preuves, échappa cette fois et ne fut condamnée à la déportation à vie que plus tard et pour un autre crime.

Malgré tout, il y aurait eu avantage à multiplier les écoles de district pour soustraire le plus de victimes possible à l’épidémie de dépravation qui a son siège dans les maisons des pauvres. Pourtant le résultat a été presque insignifiant. Même en y comprenant 19 écoles séparées que diverses unions de paroisses ont fondées, administrées et entretenues à leurs frais, et où ont trouvé place 4,381 élèves, on n’arrive qu’à un total de 25 établissemens et de 7,063 enfans pour les écoles de district et les écoles séparées, tandis que les écoles intérieures des workhouses comptent 37,545 enfans qui demeurent exposés aux pires influences. À quoi cela tient-il ? On a vu la part qui en revient aux dispositions des parens et au refus qu’ils font de se dessaisir de leurs enfans, traités en serviteurs ou en martyrs. Cette difficulté n’est ni la seule, ni la plus grave. Il en existe une autre dans la répugnance que montrent les unions de paroisses à se lier entre elles par des arrangemens communs. C’est l’écueil de tout pouvoir local appliqué à de trop petites circonscriptions. Déjà, quand il s’était agi des workhouses, les paroisses avaient eu bien de la peine à se constituer en unions pour en construire ou en