Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE REALISME
ET
L'ESPRIT FRANCAIS DANS L'ART

LES FRERES LE NAIN.

Il y aura bientôt vingt ans, Gustave Planche caractérisait ainsi le réalisme : «Doctrine sérieuse, mais transitoire, qui pourra bien servir à la régénération de l’art, mais qui, à coup sûr, n’est pas l’art lui-même. Le réalisme, qui, pour bien des jeunes gens, est le dernier terme, le but suprême de la peinture et de la statuaire, ruinera la tradition entêtée, corrigera l’innovation étourdie, tiendra tête à la conciliation, et retrempera, j’en ai l’assurance, le métal amolli de la pensée. Il brisera l’importune monotonie des compositions copiées d’âge en âge, et usées le jour où elles paraissent, comme les monnaies frappées sous un coin effacé; il disciplinera les caprices excentriques, ignorans et fanfarons, qui prennent trop souvent la bizarrerie pour la nouveauté; il luttera toujours sans désavantage, parfois avec bonheur, contre ces ouvrages poltrons qui ne sont d’aucune religion, qui sourient à tous les autels et n’adorent aucun dieu; mais, quoi qu’il fasse, il ne suffira jamais aux besoins de l’art : il ne reproduira pas les merveilles de Phidias et de Raphaël. » C’était aux derniers jours de l’école romantique expirante que Gustave Planche saluait ainsi l’avènement des tendances réalistes dans l’art. Sans les estimer beaucoup, il les acceptait, on vient de le voir, comme une heureuse transition; il leur accordait quelque utile vertu. Il est vrai de dire qu’alors le réalisme ne s’était point érigé en système, on ne l’avait pas encore posé comme principe fondamental d’école;