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la motion qu’il a annoncée depuis plusieurs jours, et par laquelle il demande que l’Angleterre reconnaisse les états confédérés. Comme pour préparer la mise en scène de sa harangue, M. Roebuck a cru devoir faire un voyage à Fontainebleau, et a laissé dire par les journaux qu’il avait pu s’assurer que les dispositions de l’empereur sont favorables à la reconnaissance des états du sud. Nous espérons que le discours de M. Roebuck ne confirmera point ces bruits étranges. Il est évident que l’empereur traite les questions pendantes entre la France et l’Angleterre uniquement avec les ministres responsables de la reine d’Angleterre, et non avec un simple membre de la chambre des communes.

E. Forcade.
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ESSAIS ET NOTICES.


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Souvenirs militaires, par M. le duc de Fezensac[1]


De tout temps, on a écrit des souvenirs militaires. Ces sortes de mémoires abondent surtout dans notre littérature, reflet naturel de l’humeur batailleuse de notre nation. Il n’en est pas de plus célèbres que les Commentaires du maréchal de Montluc, un des ancêtres de M. le duc de Fezensac, qui s’en est souvenu sans doute en prenant la plume. Seulement rien ne se ressemble moins que ces deux récits, écrits à trois siècles de distance. Montluc était un rude guerrier, sanguinaire et vantard, et quoiqu’il n’ait raconté qu’une petite guerre civile, son livre, que Henri IV appelait la bible du soldat, respire le carnage. M. le duc de Fezensac au contraire a assisté à des combats qui laissent bien loin derrière eux les engagemens des catholiques et des protestans de Guienne, puisqu’il a pris part à toutes les campagnes de l’empire, et ses Souvenirs ont un caractère de simplicité, de modestie et même de douceur, qui contraste avec de si terribles événemens. On n’y trouve pas un mot qui sente non-seulement la jactance de Montluc, mais le légitime orgueil de tant de périls bravés et de tant de victoires remportées. On dirait un témoin qui n’a vu que de loin et à l’abri, tandis qu’il était partout aux premiers rangs.

Ces Souvenirs n’intéresseront pas uniquement ceux qui aiment à suivre dans leurs détails les grandes opérations de guerre ; ils ont un attrait de plus. Dépourvus de tout appareil, ils font connaître ce qu’on pourrait appeler l’envers des événemens. Bien que l’auteur se soit passionné pour la vie militaire, puisqu’il l’a embrassée par goût et poursuivie avec persévérance au milieu des plus rudes épreuves, quand il aurait pu jouir de tous les agrémens que donnent la naissance et la fortune, on y voit la guerre telle qu’elle est, avec ses chances et ses mésaventures ; le calme et l’aisance de l’homme du monde n’abandonnent jamais l’écrivain, et il ne se laisse pas enivrer par la fumée de la poudre.

  1. 1 vol. in-8o ; Paris, librairie de Dumaine