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LES
ELECTIONS DE 1863

La France est retrouvée, et l’esprit de 89 a repris son cours. Ce fleuve se caché et s’enfouit quelquefois comme le Rhône ; mais il reparaît à quelque distance, large et rapide comme lui, et va fertiliser en les inondant les campagnes qui bordent ses rives. C’était chose certaine, le mouvement de réaction que la secousse de 1848 avait déterminé devait un jour prendre fin, et l’intimidation énervante de la raison publique ne pouvait être éternelle. On ne garde pas à tout jamais le mal de mer qui vient de la tempête. Ceux qui ont un peu observé la France de la révolution savaient bien que le moment venu où elle se redresserait, elle le ferait avec soudaineté. Cependant les plus confians ne croyaient pas que ce fût encore pour si tôt, et ajournaient aux élections prochaines l’avertissement qu’ont donné les dernières. Nous avons gagné une avance de cinq ou six ans. Tout le monde sait à présent que, sauf les incidens qui peuvent retarder ou précipiter les choses, la première fois que parlera la voix des élections, c’est la France libérale qui se fera entendre, et tout se taira devant elle.

Chacun est donc prévenu, et nul plus que le gouvernement n’a intérêt à comprendre le sens de ce qui vient de se passer. Il est étrange que ce soit parmi ses amis attitrés qu’on s’est obstiné à prétendre que ce sens lui échappait, tandis que ceux qu’ils appellent ses ennemis soutenaient qu’il a des yeux pour voir les signes du temps. Certes, si, comme on le dit et peut-être on le croit, nous ne rêvions que révolutions, nous ferions des vœux pour que le pouvoir suprême fût sourd à la voix de l’opinion renaissante. À dire le vrai, nous ne croyions pas qu’il en fût ainsi, et, si l’on veut à toute force nous faire tenir un langage passionné, nous ne l’espérions pas.