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Hope est là, dans le port, avec ses corvettes, dont les canons partiraient au premier signe… Ne croyez pas à ces calculs de prudence. Les mêmes Anglais, au nombre de quatre, accompagnés de quelques soldats cipayes qui leur servent plutôt de valets que de gardes du corps, vont s’aventurer au-delà de Han-kow, loin de la protection officielle, hors de la portée des canons de leur amiral, au cœur de la vieille Chine ; ils se promèneront à leur guise, ils visiteront les villes, parcourront les campagnes, iront à la chasse, feront du daguerréotype, rencontreront ici des bataillons de l’armée impériale, là des bandes de rebelles ; ils passeront comme des Salamandres à travers ces feux croisés de la guerre civile, et ils reviendront en parfaite santé pour nous raconter leurs aventures. En vérité, pour peu que l’on réfléchisse, ne trouvera-t-on pas que les Chinois sent très honnêtes, très tolérans et même très généreux ? il est vrai que M. Blakiston et ses compagnons se sont pourvus d’un passeport qui leur a été délivré parle consul anglais de Shanghaï en vertu de l’article 9 du traité de Tien-tsin, passeport valable pour un an, — prix un dollar, — et que ce passeport a été visé, gratuitement sans doute, par son excellence le vice-roi du Hou-pé. Il est vrai encore que le vice-roi, à la demande de l’amiral Hope, a bien voulu déléguer un mandarin militaire pour accompagner la petite expédition jusqu’à la frontière de sa province, et lui donner aide et protection en cas de besoin. Néanmoins le passeport et le mandarin militaire eussent été d’un très faible secours, si les Chinois avaient eu la moindre velléité de chercher noise à ces curieux qui s’étaient mis en tête de les explorer !… Encore une fois, les habitans du Céleste-Empire sont magnanimes ; ils pratiquent l’oubli des injures avec une abnégation à laquelle il serait injuste de ne pas rendre hommage.

Pendant leur séjour à Han-kow, les voyageurs eurent à faire leurs préparatifs de départ. Les Chinois, comme on sait, ne circulent guère qu’en bateau. Les mandarins et les personnes riches possèdent pour la plupart des embarcations de plaisance, parfaitement aménagées, pour leurs excursions. Les petits marchands et le peuple prennent passage à bord des jonques de commerce qui vont et viennent d’un port à l’autre, et ils s’arriment comme ils peuvent au milieu des caisses et des ballots qui encombrent le pont. Quant aux gens aisés et aux voyageurs plus délicats, ils trouvent facilement à louer des véhicules à leur convenance dans la foule d’embarcations de toute grandeur et de toute sorte qui stationnent le long des quais. À Han-kow, comme à Canton et à Shang-haï, il y a des places de bateaux absolument comme on voit, dans nos grandes villes, des places de fiacres. M. Blakiston arrêta son choix sur une belle jonque de 25 mètres de long sur 3 mètres de large, pourvue d’excellens et nombreux appartenons qui étaient disposés sur toute