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puissantes préviennent les dangers résultant de l’usure du matériel par une surveillance continue et une sorte de métamorphose incessante.

Le problème a dû effrayer les premiers constructeurs des voies ferrées, pour peu qu’ils en aient prévu le développement futur. Les difficultés d’application sont grandes en effet. Qu’on en juge par le réseau français, où l’on n’exploite encore que la moitié des lignes concédées ou projetées. Les lignes ouvertes comptent environ 10,000 kilomètres, offrant, avec les voies de garage et de service, une longueur développée de rails qui pourrait presque suffire à entourer le globe terrestre d’une double ceinture. Le poids correspondant ajouté à celui des engins nécessaires à l’exploitation peut représenter de 11 à 12 millions de tonnes, dont le transport sur mer exigerait près de trois mille vaisseaux de premier ordre. La voie est établie sur 30 millions de traverses en bois, cubant ensemble 41 millions de stères et découpées dans 2 millions de beaux arbres de haute futaie. Ces traverses ayant été renouvelées en moyenne deux fois depuis l’origine des chemins de fer, on voit qu’il en est résulté un déboisement de à millions de pieds d’arbres. Qu’on juge, d’après ces chiffres, combien il est urgent de reboiser notre territoire pour fournir au réseau bientôt complet les traverses, les poteaux télégraphiques et les pièces de toute nature qu’on remplace tous les six ans.

Sur les voies françaises en exploitation circulent 4,000 locomotives, dont la force motrice peut être évaluée à 120,000 chevaux ; 10,000 voitures contenant ensemble 350,000 voyageurs, et 80,000 wagons capables de transporter 600,000 tonnes de marchandises. Ces véhicules sont montés sur un nombre total de 200,000 paires de roues en fer. On connaît toute la gravité des accidens de chemins de fer et l’émotion qu’ils soulèvent dans le public. Pour les déterminer, il suffit de la rupture d’un rail ou de l’une des 200,000 paires de roues portant les véhicules. Pour chaque paire de rails de la voie, on compte en traverses, coussinets, attaches, éclisses, etc., cinquante-quatre pièces toutes importantes ; une locomotive en comprend environ quatre mille, dont beaucoup, en manquant, peuvent amener un refus de service qui désorganise le mouvement des trains pour vingt-quatre heures. Comment assurer dans un si vaste ensemble une régularité presque mathématique ? Comment entretenir, consolider, améliorer, renouveler le matériel, âme de ce service, suivant des exigences variables, en conservant aux actionnaires un bénéfice légitime ? Poser ces questions, c’est tracer le plan même de l’étude que nous essayons ici. On voudrait montrer d’abord comment s’établit un chemin de fer, puis comment il se conserve et se