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quand, ruisselans de sueur, ils subissent le violent courant d’air qui résulte de la marche rapide ! Voyez-les, ces beaux hommes si gais et si robustes, après quinze ans de service! S’ils ne sont pas perclus de rhumatismes, leurs yeux, irrités par le vent et la poussière, souffrent de vives inflammations; leurs jambes tremblent affaiblies par les trépidations de la machine. Et cependant peu de métiers sont aussi recherchés que le leur par les ouvriers d’élite, ce qui permet un choix sévère. Les postulans entrent d’abord aux ateliers, deviennent d’habiles ajusteurs, se familiarisent pendant deux ans avec les machines. Ils subissent ensuite un examen et deviennent aides ou chauffeurs autorisés par un brevet à monter sur les machines, d’abord dans les gares, puis sur la ligne. Admis au titre de mécanicien, ils s’élèvent de classe en classe, avec un avancement qui encourage leur émulation, jusqu’au grade de chef de dépôt. Chauffeurs de dernier ordre, ils avaient 1,200 francs de traitement; ils en ont 4,000 comme mécaniciens de première classe. En outre il leur est alloué des primes qui peuvent augmenter ce traitement fixe d’un tiers, mais qui se combinent avec des amendes et des mises à l’ordre du jour. A chaque machine il est attribué une consommation donnée de combustible, graisse, etc.; une partie de la quantité économisée est pour le mécanicien, sous la condition que tout aura bien fonctionne, car il ne faut pas que le service souffre de l’économie. Si l’allocation est dépassée, le mécanicien en tient compte à la compagnie. Telle est l’émulation qui s’est établie entre les divers mécaniciens que sur une de nos lignes la consommation du coke est descendue, en trois ans, de 14 à 6 kilogrammes par kilomètre.

Il y a aussi les primes pour l’arrivée exacte aux heures réglementaires, pour le mécanicien qui gravit les rampes sans prendre le secours facultatif des machines de renfort, pour celui dont la machine bien gouvernée dépasse le parcours moyen et retarde le chômage périodique, pour ceux enfin dont la conduite honorable n’a fait l’objet d’aucun rapport. D’autre part, il y a les amendes (au profit de la caisse des malades) pour l’irrégularité de marche, pour l’excès de vitesse, pour les retards non justifiés, pour réchauffement des pièces frottantes, la dépression du niveau d’eau dans la chaudière, etc.. Quant aux fautes graves, telles qu’un accident, l’ivresse, la désertion du poste, elles ne peuvent se renouveler, parce qu’elles sont immédiatement l’objet de la mise à pied ou du renvoi, sans préjudice de la répression légale.

Aux soins dont la machine est l’objet de la part du mécanicien et de son compagnon vient s’ajouter, aux stations, la surveillance, d’une multitude d’employés spéciaux. D’abord il y a le chauffeur de gare, qui prépare la machine, pendant une heure au moins avant