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Ici du moins il n’y a qu’une question de convenance publique et de goût local; mais il y a d’autres plaintes qui ne s’adressent plus seulement à la bonne volonté des compagnies. Les stations sont trop courtes, dit-on. C’est vrai; mais en ne prolongeant le temps d’arrêt que d’une seule minute, comme on compte 60 stations de Paris à Strasbourg, ce sera un retard total d’une heure sur un trajet déjà trop long. — Eh bien! continueront les voyageurs, dont il ne faut pas craindre d’écouter attentivement les objections, accordez-nous plus d’espace, et, pour ces trajets monotones qui n’ont plus les distractions des anciennes diligences, donnez-nous les voitures américaines, avec galeries, dortoirs, buffets, etc. — Ce matériel américain, trop peu connu, mériterait assurément d’être étudié, bien que les conditions de service soient tout autres; mais ce qui frappe à première vue, c’est qu’un train ainsi organisé pour deux cents voyageurs pèserait à peu près le double du poids actuel. Non-seulement les prix perçus devraient être plus élevés, car enfin il faut bien que le service des voyageurs, déjà si peu lucratif, couvre ses frais; mais la puissance des locomotives ferait défaut, dès qu’à la surcharge il faudrait joindre la grande vitesse essentielle à nos lignes françaises. Or cette puissance est étroitement limitée par la voie. Dans une manufacture, un moteur peut toujours en remplacer un trop faible; dans la marine; quand un navire ne suffit plus aux transports, on en construit un colossal, s’il le faut, comme le célèbre Great-Eastern; mais les chemins de fer sont moins favorisés : après des accroissemens successifs, les véhicules ont atteint l’évasement au-delà duquel ils n’auraient plus de stabilité, et l’organisme des locomotives semble aussi parvenu à sa limite. De temps à autre, un inventeur heureux trouve à augmenter d’un degré la puissance motrice; tous les ingénieurs s’y appliquent, peu y réussissent.

Élargissez la voie, diront ceux qui ne voient que les résultats. Cela n’est plus possible que par une refonte générale du réseau qui coûterait beaucoup plus que l’établissement primitif, car il faudrait refaire tous les travaux d’art et adjoindre des terrains qui ont parfois quintuplé de valeur. À l’origine, il y eut une grande lutte relativement à la largeur type de la voie. Deux écoles se personnifièrent en deux ingénieurs anglais, Brunel et Stephenson. Le premier donna sept pieds de large à la voie du Great-Western railway, avec un évasement correspondant aux voitures et aux chaudières. Les locomotives, bien plus puissantes que partout ailleurs, y sont loin d’être arrivées à leur limite extrême, et les véhicules ont une stabilité qui a permis d’atteindre couramment des vitesses de 100 kilomètres à l’heure. Et cependant, avec Stephenson, la presque universalité des économistes à préféré la voie réduite à cinq pieds, comme plus en rapport avec les frais à prévoir et les revenus à espérer,