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fond respect, et ils acquittent un tribut considérable, en poissons secs et en pelleteries, au taïkoun et au prince de Mats-maï, principaux suzerains de l’île de Yézo. Jadis, au retour du printemps, une députation d’Aïnos se rendait à Yédo pour faire acte de soumission et pour payer le tribut au taïkoun. Aujourd’hui l’accomplissement de ce double devoir a lieu à Hakodadé en présence du gouverneur (o-boungo). La députation prononce, en arrivant, certaines formules de convention ; chaque membre (il y en a ordinairement quatre ou cinq) reçoit une coupe remplie de sakki (eau-de-vie de riz), qu’il vide après avoir fait une libation aux dieux et aux souverains temporels de Yézo, Le paiement du tribut est réglé par l’entremise d’officiers inférieurs.

Si l’on veut connaître cet étrange peuple, il faut aller le trouver dans l’intérieur de l’île, chez lui et loin de l’œil du maître. Les Aïnos aiment les étrangers, ils les fêtent, ils leur offrent tout ce qu’ils possèdent : en revanche on les rend parfaitement heureux avec une poignée de tabac et un flacon d’eau-de-vie. À Hakodadé, on les rencontre rarement ; ils y sont mal à l’aise et d’une timidité farouche, à tel point qu’ils se laissent à peine approcher.

La rade de Hakodadé passe pour une des plus belles et des plus sûres du monde entier. Cette rade, qui s’ouvre au sud de ; l’île de Yézo, à peu près au milieu du détroit de Tsougar, a cinq milles d’étendue et quatre milles de largeur à l’entrée. Tout à l’entour se dessine en demi-cercle une chaîne de montagnes qui, vue du port intérieur, semble l’enfermer entièrement et lui donne l’apparence d’un vaste lac. La plus haute de ces montagnes est au nord ; la forme bifurquée de son sommet lui a fait donner le nom de Saddle mountain (la Selle). Elle s’élève à 3,169 pieds au-dessus de la mer, au centre d’une chaîne dont la hauteur moyenne atteint 2,500 pieds. Un peu plus loin fume le cratère d’un volcan en activité. Dans la zone intérieure de cette chaîne, on aperçoit de tous côtés des bourgs et des villages habités par des pécheurs, et dont les plus populeux sont Arékana, Toma-niawna et Mohédsi. Sept petites rivières se jettent dans la rade : une seule, la Kamida, mérite d’être mentionnée. — Le port marchand de Hakodadé se trouve au sud-est de la rade ; il est formé par le prolongement d’une presqu’île qu’une lagune basse et sablonneuse relie à la terre ferme. La presqu’île de Hakodadé a une circonférence de cinq milles et demi, et présente dans sa configuration un amas de rochers dont le plus élevé domine de 1,131 pieds le niveau de la mer. Pendant la moitié de l’année, ce pic reste couvert de neige.

Bâtie en amphithéâtre au pied du pic qui porte son nom, Hakodadé a un aspect misérable malgré sa position pittoresque, et bien