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hauteurs des cieux, doit se manifester sur cette terre dans la vie des nations… Oh ! quel esprit de joie est soudain descendu du ciel ! Harpe de David, apprenez à moduler vos chants, entremêlez aux soupirs de la pénitence les accens d’allégresse des rachetés qui cheminent sur les mille sentiers du monde dans la sainte liberté de Dieu ! Couronne sanglante du Christ, qu’on vous voie reverdir et fleurir ! fleurs divines ! ce sont les fleurs de l’espérance, de l’amour, de la joie, toutes les fleurs de l’éternel printemps des cieux !…

Ne dites donc pas que la renaissance fut une surprise, un accident subit et inopiné ; elle avait été préparée de loin par le moyen âge : l’humanité commence à renaître dès le XIIe siècle… Vous alléguez ces manuscrits grecs qui, apportés comme par miracle en Italie, réveillèrent les intelligences assoupies. Ne faites pas de ces manuscrits des amulettes, des talismans. Byzance les méditait depuis des siècles, et Byzance restait Byzance. C’est que pour lire, il suffit d’avoir des yeux ; pour comprendre, il faut avoir une âme. Dans ces dossiers poudreux, l’âme renouvelée de l’Italie sut retrouver l’âme de la Grèce, et ce qu’elle étudia dans Sophocle et dans Platon, ce ne fut pas seulement l’art de bien dire, mais l’art de bien vivre, l’idéal de la vie complète que la Grèce avait su rechercher autrefois et que la renaissance s’appropria, mais en l’agrandissant, en l’épurant, en l’accommodant aux besoins d’une société chrétienne… L’ascétisme monacal disait à l’homme : « Abstiens-toi, mortifie-toi, vis le moins que tu pourras, prépare à la mort sa victime ! qu’à son arrivée elle trouve l’autel fumant et le sacrifice commencé !… » Le catholicisme platonicien dit à l’homme : «Étends ton âme, élargis ton cœur, répands ta vie ; en accroissant ton être, tu deviendras plus semblable à Dieu, qui est la perfection de l’être. »

Conséquente à elle-même, la renaissance s’occupe aussi du corps ; elle prend sa défense contre les injustes rigueurs de l’ascétisme ; elle ne veut plus qu’on l’insulte, qu’on le macère, qu’on le flétrisse ; elle remet en honneur la santé et l’hygiène. Pourquoi traiter le corps en ennemi ? Dieu l’a destiné au service de l’âme : ne doit-on pas des soins à ses serviteurs ? Aussi écoutez cet évêque, ce cardinal, ce pieux et fervent catholique, Sadolet. Dans son traité de l’Education, il veut restaurer au nom du Christ les méthodes de la Grèce. La gymnastique et la musique doivent être, selon lui, les institutrices du premier âge, et à ces esprits âpres et chagrins qui lui représentent que la souplesse des mouvemens, les grâces du visage et du maintien, l’agrément des manières et du langage, sont aussi peu nécessaires que les raffinemens de l’esprit à qui veut faire son salut, il répond : « Nécessaires, je ne sais ; mais utiles, n’en doutez pas. » Et il ajoute : « Ah ! gardons-nous de mépriser et de retrancher de