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toutes les parties du globe où ces monticules ne sont pas encore fixés.

Quoi qu’il en soit, il est absolument certain que, depuis l’arrivée de l’homme dans ces contrées, les sables ont avancé au moins de 6 kilomètres, c’est-à-dire de toute l’épaisseur actuelle de la zone des dunes. En effet, on trouve des traces irrécusables de l’industrie humaine sur les étroites laisses de mer qui s’étendent à la base occidentale des dunes parallèlement aux brisans. Près de la pointe de la Négade, ce sont les restes d’un four autour duquel sont épars d’innombrables débris de poterie témoignant d’une assez grande habileté pratique ; ailleurs ce sont des troncs de pins, des bois à demi carbonisés, des cendres, des amas de goudron, et d’autres vestiges dont l’ensemble rappelle tout à fait l’aspect des campemens actuels des résiniers. En d’autres endroits, on voit des fossés, des pas d’hommes et d’animaux empreints sur les couches d’argile que le sable des dunes, emporté par le vent, vient de laisser à découvert. Nulle part cependant les preuves de l’ancien séjour de l’homme ne sont plus fortes que sur les plages de Lagrave et de Matoc, au sud de l’entrée du bassin d’Arcachon. Là, les envahissemens incessans de la mer, qui vient saper la base des dunes, mettent à nu des bancs d’alios, des tourbières, des couches d’arbres abattus, portant des marques incontestables du travail humain ; des briques, des poteries brisées jonchent le sol ; les stigmates de la hache se voient sur des troncs de pins à demi engagés dans la tourbe et se distinguant comme autrefois par leur odeur résineuse ; parmi les traces laissées sur le sol, on remarque des empreintes de souliers armés de clous et semblables à ceux que portent encore de nos jours les paysans landais. À la vue de toutes ces choses, on ne saurait douter que la plage actuelle de la mer n’ait, à une époque relativement récente, fait partie des plaines de l’intérieur, car les bancs d’alios et les tourbières n’auraient jamais pu se former sous les rangées de dunes ; on ne saurait non plus douter que l’homme n’ait habité jadis ces terrains, destinés à être bientôt recouverts par les eaux de l’Océan. Ainsi les chaînes parallèles des collines mouvantes ont toutes passé les unes après les autres sur cet espace abandonné : elles le dominaient autrefois du côté de l’ouest et le séparaient de la mer ; maintenant elles s’élèvent à l’est et le séparent du plateau des landes. Ce sont là des faits écrits sur le sol en caractères d’une telle évidence que pas même l’indigène illettré ne saurait s’y méprendre ; on peut seulement se demander pourquoi les bancs de tourbe et les débris de l’industrie humaine qu’on remarque au bord de la mer sont à peine élevés au-dessus du niveau de la mer, tandis que, à en juger par la pente générale des landes,