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La possibilité d’arrêter la marche des dunes à peu de frais était absolument démontrée.

Au commencement de notre siècle, l’œuvre interrompue fut reprise, et depuis elle s’est développée d’année en année avec une rapidité proportionnée aux allocations budgétaires. Elle est terminée dans le département de la Gironde, et si les centaines de dunes que les ingénieurs ont ensemencées pendant les dernières années ne sont pas encore recouvertes de verdure, elles sont du moins définitivement fixées. Vues de la mer ou du plateau des landes, ces cimes nues brillent au soleil comme des sommets neigeux, et présentent un saisissant contraste avec les sombres collines couvertes de pins; mais le nombre de ces dunes blanches diminue constamment, et dans peu d’années on n’en verra plus. Reste la zone que Brémontier voulait ensemencer tout d’abord, c’est-à-dire l’espace sablonneux qui se trouve entre le pied des dunes et la laisse des hautes marées. Cette bande étroite est encore stérile dans presque toute sa longueur à cause de la violence avec laquelle le vent de tempête projette les grains de sable sur les tiges naissantes. On s’occupe cependant de nouveaux essais dans l’espoir d’arrêter ou du moins de retarder les érosions de la mer par des palissades d’arbres vivans.

Les dunes désormais fixées enrichissent les contrées qu’elles menaçaient autrefois d’engloutir, et, par suite de la valeur croissante des pins et de leurs produits, c’est par centaines de mille francs[1] qu’il faut maintenant compter l’accroissement annuel de la fortune publique sur le littoral. Le moyen de salut appliqué par Brémontier est devenu pour les landais une cause de prospérité. En même temps bien des résultats heureux auxquels on ne pouvait s’attendre d’avance ont été obtenus. Le sable, garanti des rayons du soleil par l’ombrage des pins, produit des arbustes et des herbes qu’on utilise pour la litière et l’alimentation des bestiaux. Les lèdes ou vallées intermédiaires des dunes, qui, pendant six mois de l’année, étaient transformées par les eaux de pluie en d’infranchissables fondrières, ont été assainies sans l’intervention de l’homme, grâce aux mille racines qui pompent incessamment l’humidité des sables. La surface des vastes étangs situés à la base orientale des dunes s’est également abaissée pour fournir aux arbres de la forêt l’eau nécessaire à leur croissance[2]. En outre la fixa-

  1. La valeur actuelle des forêts des dunes est de 25 millions, soit de 600 francs l’hectare. Brémontier estimait qu’une fois mis en valeur, tous les sables du littoral devraient rapporter 500,000 francs par an. Les prévisions seront grandement dépassées.
  2. Le niveau des étangs de Biscarosse et de Sainte-Eulalie, situés au sud du bassin d’Arcachon, a baissé de quatre pieds depuis que les dunes environnantes ont été complantées.