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par le gouvernement provincial enseignent, entre autres choses, le latin et le français. C’est là qu’on se prépare au lycée et au séminaire de l’évêque, deux institutions établies à Pará et fort richement dotées, où les trafiquans et les planteurs ont presque tous l’ambition d’envoyer leurs fils, pour qu’ils y terminent leurs études. M. Bates, qui eut l’honneur d’être choisi pour figurer parmi les examinateurs annuels de l’école supérieure, vante beaucoup l’intelligence naturelle des jeunes gens qui passèrent sous ses yeux; mais il n’accorde pas les mêmes éloges aux collèges de Pará, et affirme qu’on en sort en général sans posséder la plus légère teinture des sciences physiques et les plus simples notions de géographie. Les mêmes jeunes gens dont on fait de subtils rhétoriciens et des avocats pleins de faconde se montrent d’une ignorance déplorable lorsqu’on veut tirer d’eux autre chose qu’une amplification sonore et vide. « Je ne me rappelle pas, dit M. Bates, avoir vu à Santarem une carte géographique quelconque. Les gens bien avisés se doutent de ce qui leur manque à cet égard, et il est difficile de les provoquer à quelques éclaircissemens. Un jour cependant, certain fonctionnaire des plus haut placés se trahit tout à coup en me demandant « de quel côté de la rivière Paris était situé. » Il va sans le dire que cette question n’avait pas pour objet d’obtenir quelques renseignemens topographiques sur l’exacte position de la Seine par rapport à la capitale qu’elle arrose; elle dérivait de cette idée que l’univers entier est une grande rivière, et que les diverses cités dont on peut entendre parler s’élèvent inévitablement ou sur un bord ou sui-l’autre. Ce simple fait, que le fleuve des Amazones est un cours d’eau limité, puisant son origine dans d’étroits ruisseaux, ayant son commencement et son terme, n’est jamais entré dans la tête de la plupart des gens qui passent leur vie entière sur ses rives. »

Si l’on met à part les agrémens plus ou moins incontestables de la société blanche, Santarem peut être regardé comme un séjour assez aimable; on n’y voit pas pulluler les insectes-pestes, — le moustique, le pium, la mouche de sable, la motuca[1], — ces terribles fléaux du voyageur au Brésil. Le climat est magnifique; pendant six mois de l’année, d’août à février, on compte à peine quel-

  1. Le pium, mouche microscopique, commence sur le fleuve des Amazones à la hauteur du Rio-Negro ; il abonde tellement en certains endroits, que les canots qu’il enveloppe de ses denses essaims semblent avancer au milieu d’un nuage de fumée. Humboldt et d’autres naturalistes le regardent comme une espèce du genre similium. — La motuca est une mouche beaucoup plus formidable que le moustique; sa trompe ou proboscide est formée d’un paquet de lancettes en corne plus courtes et plus larges que chez les autres espèces de la même famille. Perty, dans les voyages de Spix et Martius, l’a décrite sous le nom de Hadaus lepidoptus.