Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/850

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écoles publiques et termina son éducation à l’université d’Oxford. Il fait quelque part une assez triste peinture du genre de vie qu’on y menait :


« Je considère ces deux années comme les plus mal employées de ma vie, La discipline de l’université était alors si relâchée, qu’un gentleman commoner n’était soumis à aucune contrainte, et que nul ne s’inquiétait de sa présence soit aux cours, soit à la chapelle, soit au collège. Mon tuteur[1], excellent et digne homme, mais fidèle à la pratique du jour, ne prenait aucun souci de ses élèves. Je ne l’ai jamais vu que pendant une quinzaine, à un moment où j’avais mis dans ma tête d’apprendre la trigonométrie. Ceux avec qui je vivais étaient de très agréables compagnons, mais de grands paresseux. Notre vie était une imitation de celle du grand monde à Londres. Heureusement ce n’était pas alors la mode de boire avec excès; toutefois nous ne buvions que du vin de Bordeaux, et nous avions un roulement régulier de soirées de cartes, au grand détriment de nos finances. Je me suis souvent étonné qu’un si grand nombre d’entre nous ait si bien, si honorablement réussi dans le monde. Je citerai Charles Fox, lord Romney, North, évêque de Winchester, sir J. Stepney, lord Robert Spencer, William Eden (depuis lord Auckland), et mon excellent et estimable ami, le dernier lord Northington... »


Toutefois, guidé par les leçons de son père, mis de bonne heure en relations avec les hommes les plus distingués de son temps, doué d’assez de raison pour ne pas se croire un homme au sortir de l’école et d’assez d’énergie pour continuer à s’instruire à un âge où trop de jeunes gens ne songent qu’à leurs plaisirs, le jeune Harris sut se préparer dignement à la carrière qu’il parcourut depuis avec éclat. Il est impossible de ne pas reconnaître un cœur bien placé et une âme élevée dans les lignes suivantes, extraites d’une lettre qu’il écrivait en 1800 : « Je dois aux leçons et aux exemples de mon père tout ce que je puis avoir de bon. C’est à sa réputation, à sa bonne renommée, que j’attribue les succès plus qu’ordinaires de ma vie. C’est grâce à lui que je suis entré dans le monde avec des avantages tout particuliers; c’est comme son fils que j’ai eu tout d’abord des amis et des protecteurs. Je n’avais rien en moi-même (et à trente-cinq ans de distance je parle ainsi non par affectation de modestie, mais sous la vive impression de mes souvenirs), je n’avais rien qui pût appeler sur moi l’attention. Il est vrai qu’une fois mis en évidence et chargé d’une responsabilité, je n’épargnai rien pour me rendre digne de ma situation; mais tant que mon père vécut (c’est-à-dire pendant les douze premières années de ma carrière publique),

  1. Tutor, On appelle . ainsi, dans les universités anglaises, le maître ou surveillant qui est chargé par les familles de diriger et de faire répéter les jeunes gens confiés à ses soins.