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centre des opérations politiques les plus actives, et sir James Harris lui donna sans hésiter la préférence. Lorsqu’il revint en Angleterre, en 1784, M. Fox ne tarda pas à être remplacé par M. Pitt, et la mission de La Haye resta vacante.

« Depuis 1770, et sauf un court intervalle, sir James Harris n’avait jamais cessé d’être membre du parlement pour le bourg de Christ-Church, dont, malgré son absence, le ministère de lord North avait cherché vainement à l’écarter. Ses opinions étaient celles des whigs du temps; il avait la plus grande admiration et une sincère amitié pour M. Fox; il le soutint en toute occasion dans la chambre des communes, et vota pour lui à sa fameuse élection de Westminster. Cependant le cas qu’on faisait des talens diplomatiques de sir James Harris était tel que M. Pitt, à la fin de 1784, lui offrit généreusement de retourner à son poste, ce qu’il accepta après avoir demandé l’avis et reçu l’entière approbation de M. Fox et du duc de Portland, qu’il regardait comme ses chefs et ses guides. Il arriva à La Haye en décembre 1784 avec le rang de ministre et un traitement d’ambassadeur. Pendant cette orageuse mission à La Haye, le gouvernement accueillit son opinion et ses avis sur les affaires extérieures avec une confiance presque sans bornes. Ayant, selon toute apparence, sauvé le stathouder de l’exil et la Hollande de la sujétion française par le plan qu’il forma et dont il assura le succès[1], ayant conclu un traité entre l’Angleterre et la Hollande, un autre entre l’Angleterre et la Prusse, il fut nommé ambassadeur à La Haye, et créé baron de Malmesbury le 19 septembre 1788, recevant du roi de Prusse l’autorisation d’ajouter l’aigle de Prusse à ses armes et de porter ses couleurs, recevant du stathouder sa devise : Je maintiendrai.

« Après un court voyage en Suisse, il revint en Angleterre dans l’automne de 1788 et soutint encore ses anciens amis, votant contre Pitt sur le bill de régence; mais en 1793, lorsque Fox se déclara prêt à reconnaître la république française, lord Malmesbury se joignit au duc de Portland, à lord Loughborough, à Burke, à sir Gilbert Elliot, à lord Spencer et à beaucoup d’autres whigs qui quittèrent la bannière de leur illustre chef, dont l’amitié ne sembla nullement avoir souffert de cette séparation.

« Il fut immédiatement envoyé par M. Pitt à Berlin, pour essayer de ramener Frédéric-Guillaume, roi de Prusse, qui, avec la déloyauté et la faiblesse dont sont empreints la plupart des actes de sa vie, paraissait disposé à rompre son traité récent avec l’Angleterre et à se rapprocher de la France révolutionnaire. Lord Malmesbury réussit à lui faire reconnaître ses obligations et l’amena à signer avec l’Angleterre et la Hollande, en 1793, un nouveau traité qu’il viola avant que sa signature eût eu le temps de sécher.

«En 1794, lord Malmesbury reçut l’ordre de demander au duc de Brunswick sa fille en mariage pour le prince de Galles, et, l’ayant épousée par

  1. Sir James Harris servit à La Haye avec une remarquable habileté la politique anglaise, qui, appuyant les intérêts de la maison d’Orange, réussit à détruire l’influence française dans les Provinces-Unies. Il contribua plus que personne à renverser l’œuvre du traité de 1785 et à conclure en 1788 les traités de la triple alliance entre la Grande-Bretagne, la Prusse et le stathouder, traités qu’eurent une influence si décisive et si funeste à la France dans les affaires générales de l’Europe.