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son séjour à Varsovie, succédant à une première visite à Berlin, lui permettait de comprendrez toute la gravité.


« Dans tout lieu méritant le nom de ville, il y avait des troupes russes, même à Frauenstadt. J’ai trouvé les environs remplis des traces de leur camp, qui vient seulement d’être levé, car elles avaient entouré la ville pendant la diète.

« Cette diète extraordinaire s’est ouverte le 4 octobre 1767, sous le contrôle immédiat de la Russie. Pendant sa durée, 8,000 Russes enveloppaient la ville, 2,000 étaient campés dans le jardin de l’ambassadeur de Russie, monarque absolu à tous égards. En vertu de cette autorité, il fit enlever et conduire, à ce qu’on croit, en Sibérie les deux évêques de Kiev et de Cracovie pour avoir parlé un peu trop librement contre l’assemblée.

« Jusqu’au commencement du règne actuel, le général de la couronne et le grand-trésorier tenaient à eux deux en quelque sorte les rênes de l’état. L’un commandait l’armée, l’autre disposait du revenu, et tous deux n’avaient à rendre compte de leur conduite qu’à la diète. La facilité à rompre une de ces assemblées leur donnait pleine carrière pour exercer leur immense pouvoir selon leur bon plaisir. A la première diète qui suivit son élection, le roi, avec le consentement de la Russie, fit tomber une partie de ces prérogatives, et obligea ces grands fonctionnaires à rendre compte à la majorité des nonces[1] présens. C’était un grand point de gagné; mais sa majesté fit encore plus en glissant dans la loi quelques expressions équivoques que le ministre de Russie ne comprit pas ou auxquelles il ne prit pas garde, et d’où l’on pouvait conclure que « tout ce qui était relatif au revenu et à l’armée serait décidé par la majorité. » Autant valait dire (‘toutes les affaires de l’état, » car tout est compris dans ces deux grandes catégories. Après s’être avancé jusque-là sans encombre, il ne fallait, pour assurer le succès, qu’attendre le moment favorable à l’exécution ; mais ce fut l’écueil où l’on échoua. Si l’on avait différé jusqu’au jour où la Russie

  1. C’est le nom qu’on donnait aux députés de la diète.