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atteignent alors leur plus haut développement. Ajoutons que la fièvre jaune ne peut s’étendre que sur les villes du littoral et qu’elle épargne les nègres. Elle a son siège principal dans l’estomac, et se manifeste par des maux de tête et une chaleur intense. Le choléra au contraire, que plusieurs personnes confondent avec cette maladie, se montre indifféremment sur les côtes et dans l’intérieur. Il choisit de préférence les nègres pour victimes, a son siège dans les intestins, et offre comme caractère spécial le refroidissement des centres nerveux. Le premier soin à donner dans ces deux cas est de chercher à ramener la transpiration. Les remèdes infaillibles ne manquent pas. Chacun a le sien. J’ai connu un mascate (colporteur) qui, éprouvant quelque difficulté à écouler ses marchandises, s’est mis un beau jour à improviser une de ces potions héroïques, et, après s’être fait donner une demi-douzaine de certificats signés de docteurs brésiliens, a fait voile pour l’Europe, comptant obtenir « la croix. » Du reste, sans parler de ces épidémies passagères, on peut dire que les Européens, principalement les nouveau-venus, doivent se tenir sur un qui-vive continuel, s’ils ne veulent pas être victimes d’une de ces terribles maladies que la terre, le soleil, l’atmosphère et l’humidité semblent engendrer à l’envi. À mon départ pour les terres australes, je ne voyais sur le pont du navire que des jeunes gens à la mine gaillarde, au sang riche, aux ardeurs puissantes ; à mon retour en Europe, je trouvai surtout des femmes vêtues de noir : c’étaient des veuves. Elles me racontèrent leurs infortunes. Des pneumonies aiguës, des fièvres malignes, des entérites violentes, survenues à la suite de refroidissemens brusques ou d’insolations imprudentes, tel fut le bilan qu’elles me présentèrent. Tous leurs maris étaient ouvriers, et il est difficile à ces braves gens de se rappeler, dans l’ardeur du travail, qu’ils se trouvent sous une latitude ingrate pour l’artisan. Cette mortalité contraste péniblement avec l’inaltérable santé des paisibles fazendeiros, qui, dans leurs opulentes demeures, n’ont rien à redouter ni de la pluie, ni du soleil, ni de la fatigue.

Une fois à Rio-Janeiro, on veut cependant oublier les tristes influences du climat. La ville n’offre-t-elle pas quelques-uns de ces aspects qui peuvent faire oublier au voyageur le nouveau pays où il se trouve, et lui rappeler les richesses monumentales de quelques cités d’Europe ? On voit, il faut bien le dire, peu de monumens dans les villes brésiliennes. Les conquistadores étaient des soldats d’aventure et non des artistes, et la recherche de l’or et des esclaves absorbait tous leurs instans. Cependant on remarque à Rio un aqueduc qui pourrait figurer à côté de ceux que les Romains nous ont légués, et un hôpital qui ne serait pas déplacé à Londres ou à Paris.