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tout le suc de la doctrine. C’est le vrai manuel du nouveau matérialisme.

Pour avoir une idée, sinon complète, au moins suffisante, de ce singulier mouvement philosophique, il faudrait mentionner encore M. Spietz, qui, dans sa Physiologie du système nerveux et dans sa dissertation sur les Conditions corporelles de l’activité de l’âme, a exposé une doctrine matérialiste qu’il combine d’une manière assez étrange avec la foi à la révélation, ce qui a fait donner à son système le nom de matérialisme croyant. Il faudrait y joindre encore le Système et l’histoire du naturalisme par Edouard Lowenthal, ouvrage qui a été loué comme original par Feuerbach, quoiqu’il ne paraisse contenir après tout que le vieux système atomistique. Ce que j’y vois de plus remarquable, c’est que l’auteur va plus loin encore que Moleschott et Büchner; il leur reproche d’être des matérialistes éclectiques, et cela à cause de leur principe de l’union de la matière et de la force. Pour lui, la force n’est pas une condition essentielle et primordiale de la matière : elle n’est qu’un résultat de l’agrégation. Citons aussi, mais avec quelque réserve, M. Czolbe, car il mérite plutôt d’être mentionné parmi les sensualistes que parmi les matérialistes, comme on peut le voir dans sa Nouvelle exposition du sensualisme (Neue Darstellung des Sensualismus). Le caractère commun de tous ces écrits que nous avons cités est de s’appuyer sur les sciences positives et d’abandonner presque entièrement la méthode psychologique ou métaphysique, qui avait jusqu’ici, soit en Allemagne, soit en France, soit en Angleterre, caractérisé la philosophie.

Si le matérialisme a suscité en Allemagne une école féconde et puissante, il faut reconnaître que le spiritualisme a élevé de son côté de nombreuses et d’importantes protestations. C’est surtout dans la philosophie proprement dite que le spiritualisme s’est recruté ; mais il a cependant rencontré aussi d’habiles défenseurs parmi les savans. Nous avons déjà dit que des débris de la droite hégélienne s’est formée une école spiritualiste d’un caractère très prononcé. L’un des principaux représentans de cette école est M. Fichte fils, qui porte avec honneur un nom célèbre dans la science. Dans son Anthropologie[1], ce philosophe soutient la doctrine d’une âme non corporelle, quoiqu’il semble admettre avec Leibnitz que l’âme n’est jamais sans un corps; mais ce livre tout spéculatif est antérieur (au moins par la première édition) à la querelle. M. Fichte s’y est mêlé d’une manière plus particulière dans son écrit sur la question de l’âme (Zur Seelenfrage), qui est

  1. Anthropologie, die lehre des Menschlichen Seele, Leipzig, deuxième édition, 1861.