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des rayons lumineux à travers l’atmosphère, c’est-à-dire de la réfraction. Toute l’optique en général nous apprend à ne pas confondre les apparences visibles avec la vraie forme, la vraie grandeur, la vraie position, le vrai mouvement des objets,

Nous sommes autorisés, par tous ces faits et par d’autres bien connus, à nous demander si, dans la notion que nous nous faisons des corps, il n’y a pas une part qu’il faut attribuer à l’observateur lui-même, qui vient de lui et qui disparaît avec lui. Parmi les qualités que nous attribuons à la matière, il y en a deux surtout qui nous paraissent animer la nature, et sans lesquelles elles nous semblerait livrée à la mort : c’est la lumière et le son. Eh bien! demandons aux physiciens ce que c’est que le son, ce que c’est que la lumière. Voici ce qu’ils nous répondent : le son et la lumière sont des vibrations, c’est-à-dire des mouvemens. Arrêtons-nous quelques instans sur cette belle théorie physique qui a jeté un si grand jour sur la question de la perception extérieure.

Si l’on pince une corde tendue, on lui communique un mouvement de va-et-vient et d’oscillation que nos sens peuvent saisir: le toucher la sent frémir sous le doigt; la vue, à la place d’une ligne très nette, perçoit une corde reniée vers le milieu et beaucoup moins lumineuse, dont le renflement va sans cesse en diminuant jusqu’à ce qu’elle soit revenue à l’état de repos. Cette sorte de mouvement est ce qu’on appelle une vibration, et c’est de ce fait élémentaire qu’est sortie toute la théorie vibratoire, si considérable dans la physique moderne, et qui est appelée à un si grand avenir. Or, tant que dure la vibration, tant que le doigt sent frémir la corde, nous entendons un son. Le son commence et finit avec la vibration. Il y a plus, les expériences les plus exactes et les calculs les plus précis établissent un rapport rigoureux entre la hauteur des sons produits et le nombre des vibrations, nombre qui lui-même est en relation constante avec la longueur des cordes, la tension, etc. Il est donc permis d’affirmer que la cause unique du son ou de la sensation sonore est un mouvement. Ce mouvement se communique par l’air, qui lui-même est un corps vibrant, jusqu’à l’oreille, instrument mécanique disposé pour rassembler et transmettre les vibrations aériennes au nerf acoustique. C’est là, là seulement, que cesse le son mécanique et qu’il est remplacé par le son sensible. C’est là que ce mouvement se transforme en sensation, phénomène inexpliqué et peut-être absolument inexplicable.

Ce qu’il y a de certain, c’est que jusqu’au moment où le nerf acoustique entre en jeu, il n’y a absolument autre chose en dehors de nous qu’un mouvement vibratoire, de telle sorte que si nous supposons un instant que l’auditeur disparaisse, que le nerf capable