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cite M. de Harlay d’avoir défendu les attroupemens et les violences sous peine de mort, de faire faire des essais d’un nouveau pain, tout en veillant à ce que le peuple n’exige pas trop des boulangers, et que ceux-ci n’en abusent pas pour quitter leur commerce. Voudrait-on croire, si la correspondance officielle ne l’attestait, que les soldats eux-mêmes prenaient part avec le peuple à la distribution du pain ? « Sa majesté a résolu, écrit Pontchartrain le 15 octobre, qu’à commencer de mardi prochain il sera fait au Louvre, sur les trois heures après midi, une distribution de pain particulière pour les soldats, moyennant quoi il leur sera défendu de venir dorénavant aux distributions publiques ; mais l’intention de sa majesté est qu’ils continuent d’y assister avec les officiers, pour contenir le peuple et empêcher le désordre. » Quatre jours après, Pontchartrain félicite encore M. de Harlay, au nom du roi, « de la fermeté avec laquelle il est allé au lieu où le péril était le plus grand. »

Cependant les mois se passaient, et malgré les soins et les préoccupations du gouvernement, Paris devenait chaque jour plus malaisé à contenir. Un arrêt pour en expulser les pauvres du dehors ne fut que difficilement exécuté. Souvent, malgré sa résignation, le comte de Pontchartrain est sur le point de perdre patience. En vain il fait vendre à perte le blé acheté par ses ordres au Havre, à Dunkerque, en Beauce, en Picardie ; en vain le premier président du parlement, l’archevêque de Paris, le lieutenant-général de police, discutent et recherchent les moyens de remédier au mal : la disette continue, le pain reste cher, le peuple se plaint toujours, et des pamphlétaires reprochent au gouvernement son peu de prévoyance. D’un autre côté, le roi s’impatiente de tous ces arrêts et de toutes ces assemblées qui n’aboutissent à rien. Désolé, découragé, Pontchartrain écrit, vers les derniers jours de décembre, à M. de Harlay, que la malignité du public est bien grande. On s’était plaint de la manière dont s’exécutait la vente des blés achetés pour le compte du roi. Suivant lui, ces plaintes n’étaient pas fondées. « Les blés, disait-il, les farines et les sons restant dans les galeries du Louvre y sont vendus indifféremment à toute sorte de personnes, à plus pas prix que celui de la Grève ou de la halle. S’il convient que cela soit porté à la halle, il faut le faire pratiquer. En 1662, les blés du roi ont été vendus aux galeries du Louvre ; en 1684, ils ont été vendus au collège des Quatre-Nations, et, à parler selon la droite raison, il est impossible de faire vendre les blés du roi en détail dans les marchés… » Tant que le mécontentement de la population était demeuré passif, Pontchartrain en avait pris son parti. Quelques émeutes, à la .suite desquelles deux soldats furent condamnés à être pendus pour avoir pillé les boutiques de boulangers, montrèrent toute la gravité du mal. Obligé d’intervenir de plus en plus, le gouvernement se dé-